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Dans le Nid du Mal, un premier tome qui met la barre haut

par jeudeclick
Publié : Dernière mise à jour le 406 vues 15 minutes de lecture

Une fois n’est pas coutume, on vous parle d’un jeu solo ! Hô, on vous voit déjà en train de grimacer devant votre écran, à vous dire que pourtant, on vous parle régulièrement des jeux joués en solitaire. Oui, mais cette fois il est question de jeu de rôle ! Un jeu de rôle en solo ! Surpris ? On vous souhaite la bienvenue « Dans le Nid du Mal »…

Avril 2016, l’auteur Guillaume Gagnon réussit à rassembler autour de lui, sur la plate-forme participative Ulule, 270 contributeurs pour un petit projet de livre écrit par Patrick Boulanger et bâptisé alors « Couleuvres et Gestapo ». Une campagne de jeu de rôle en solo – facile d’accès et ouverte au plus grand nombre – qui reprenait le concept des « livres dont vous êtes le héros ». Ça y est, prototype en main et projet financé, l’aventure pouvait alors commencer. Plus tard, en août 2018, retour en participatif avec cette fois un Kickstarter pour le tirage en anglais de son livre, qui est devenu au passage « Dans le Nid du Mal ».

Tout droit venu du Québec – avec l’accent chantant qui va avec – Guillaume Gagnon a imaginé une aventure en solo, à mi-chemin entre jeu de rôle et livre dont vous êtes le héros. Oui, mais attention, car il a mis les petits plats dans les grands. Ce n’est en fait pas un mais bien trois livres dont il est question. Et comme le premier ouvrage se retrouve à présent entre nos mains, on s’y attarde avec bonheur. A noter que les prochains tomes arrivent respectivement pour fin 2019/début 2020 et 2021 pour le final. Il s’agit néanmoins d’informations prévisionnelles que l’auteur nous a communiquées.

Au menu, plus de 340 pages dans un ouvrage A4 avec couverture rigide, entièrement en couleur. Et si vous pensez vous retrouver dans un simple livre dont vous êtes le héros, vous faites erreur. 3 dés 10, des fiches de personnages, des compétences, des niveaux d’intégrité, des caractéristiques, des points d’expérience, des équipements, des alliés, etc. Tout y est pour se retrouver dans un vrai système de jeu de rôle. Sauf bien sûr, l’aspect narratif du Maître de Jeu. Mais, vous allez palier à ce manque. On va vous expliquer. En premier, plongeons-nous dans la thématique…

Vous êtes attendus à Berlin

Juin 1941, l’Allemagne est en guerre. Vous incarnez Friedrich Beck, un officier allemand, blessé pendant la campagne de Pologne. Bien que l’homme ait perdu un œil lors de l’assaut de Brest-Litovsk, il refuse d’être un poids pour la nation. Contraint de se tenir loin des lignes de front, il consacre son temps à chasser les déserteurs. Mais un jour, Beck est appelé au quartier général de la Gestapo à Berlin. Lui qui ne s’attendait pas du tout à être à nouveau confronté à la réalité du terrain, va être servi !

Un série de quinze meurtres étranges ont été commis dans la ville de Leipzig. Cadavres meurtris, morts violentes, peau grisâtre, yeux globuleux et on en passe. Des phénomènes inexpliqués que même les meilleurs spécialistes du pays ne comprennent pas. Qu’à cela ne tienne, vous voilà à présent en charge des investigations. Et pour couronner le tout, les services de la police allemande vous adjoignent les services du capitaine Hammerstein. Un homme froid et mystérieux qui sera désormais votre coéquipier.

3D10 et l’histoire continue…

En préambule, dissipons immédiatement tout malentendu. Oui, vous incarnez un soldat de l’Allemagne nazie. Mais, on s’arrête là. Vous ne jouez pas un nazie. Vous êtes un investigateur qui évolue dans une Allemagne en guerre contre le reste du monde. Et on peut vous assurer qu’il n’est nullement question de jouer ou rejouer un épisode de la deuxième guerre mondiale. Et encore moins des personnes rattachées de près ou de loin aux agissements en lien avec cette période de l’histoire. D’ailleurs, l’aventure de notre héros Friedrich Beck, s’en écarte rapidement et évolue très vite vers l’imaginaire voulu par l’auteur. Une histoire d’horreur dans la plus pure tradition de H.-P. Lovecraft, avec quelques éléments tirés de certains classiques comme X-Files.

Voyons à présent comment fonctionne le système de jeu.

Comme pour tout jeu de rôle qui se respecte, tout commence sur l’indispensable fiche de personnage. Vous lui attribuez des points de compétence, de force physique et mentale et vous pourrez également attribuer des points d’expérience en fonction de vos agissements dans l’aventure. La fiche de Beck comprend des niveaux de force, de constitution, de détermination, de présence, d’intelligence, de perception et on en passe. Ça y est, vous commencez à le retrouver ce petit côté jeu de rôle ?

L’histoire commence avec les premières pages du livre. Un ouvrage composé de groupes de paragraphes numérotés. Et forcément, une aventure qui vous fait vous diriger d’une page à l’autre. C’est là que l’aspect « livre dont vous êtes le héros » est le plus flagrant. Mais chaque action va généralement vous imposer des choix et surtout de jets de dés. Vous engagerez des compétences, généralement trois, qui sont imposées par la trame de l’histoire, auxquelles viendront s’ajouter d’éventuels bonus ou malus. En fonction de votre situation actuelle, de votre équipement ou des gens qui vous accompagnent. Si le total atteint 20, l’action est réussie. Sinon, c’est un échec. Mais vous le savez (ou peut-être pas), le jeu de rôle c’est aussi une bonne maîtrise du risque et des probabilités liées à vos lancés de dés. C’est pourquoi, l’ouvrage s’accompagne de son fameux tableau des statistiques de réussites éventuelles. A voir de décider du nombre de points que vous engagerez sur chaque action.

En en fonction de vos succès ou de vos échecs, le livre vous dirigera vers d’autres pages. D’autres paragraphes. D’autres rebondissements.

Beck aura bien entendu la possibilité d’acquérir de l’expérience et ainsi, le personnage pourra progresser tout au long de ses pérégrinations. Tout comme il aura également le choix de suivre un allié. Et là vous pourrez aussi effectuer des choix pour lui et certaines de vos compétences pourront directement agir sur ces alliés. Ou même sur d’éventuels ennemis !

Et le jeu se poursuit ainsi de suite. Passant d’une page à une autre, en récupérant des équipements, en interagissant avec les personnages, en lançant vos dés. Mais aussi en faisant évoluer la fiche de Beck, son comportement, sa santé et ses compétences. Jusqu’à ce que vous parveniez à l’une des fins possibles. Soit de continuer vers le deuxième livre, soit de terminer prématurément votre investigation dans l’échec le plus complet.

A s’est fait clouer le Beck !

Un jeu de rôle en solo ! Quelle étrange idée, vous ne trouvez pas ? Mais un concept tellement intriguant qu’on y a pas résisté bien longtemps. Et si on vous en parle, c’est que forcément, chez nous, le projet a fait mouche.

A ce stade, seul un des trois livres est disponible. Au premier coup d’œil, cela n’empêche pas que ce tome 1 a une sacré prestance. Une belle couverture rigide et une impression entièrement en couleur. On a bien apprécié cette édition. La typographie du texte aurait peut être mérité des caractères plus gras pour un meilleur confort de lecture. Mais on pinaille un peu car l’aspect « machine à écrire » de la typo est des plus raccord avec le thème et sa temporalité qui nous plonge au cœur des années 40.

Une mention toute particulière à l’auteur qui a littéralement truffé son livre de notes, de références, de photos d’époque. Le tout, pour nous plonger encore plus dans le contexte. Quel travail, c’est impressionnant ! Au passage, rappelons que le récit est signé Patrick Boulanger et que tout le reste, références, règles, système de jeu etc. sont signés Guillaume Gagnon. D’ailleurs, en évoquant le contexte, on a véritablement apprécié le fait d’évoluer dans le cadre de cette deuxième guerre mondiale, sans jamais entrer au cœur des agissements de l’armée allemande. Le sujet est abordé avec beaucoup de finesse, sans qu’il ne soit jamais question de polémique. D’ailleurs, nous ne sommes pas du tout dans un livre de type « World War II » et on ne bascule absolument pas dans le recueil historique. C’est même tout l’inverse. Que les plus sceptiques se rassurent, on a plutôt eu l’impression de jouer les investigateurs d’Au-dela du Réel plutôt que le Colonel Klink en poste au Stalag 13 !

En quelques pages, le système de jeu nous est présenté. Un jeu de rôle en solo voulu facile d’accès, et on ne peut que constater que la mission est entièrement remplie. Le gameplay va droit à l’essentiel, sans ajout inutile. La clarté est véritablement au rendez-vous ! En outre, l’univers graphique permet une bonne prise en main grâce aux différents pictogrammes et aux éléments de navigation dans l’ouvrage. La fiche de personnage a également été optimisée et tout y est simple à comprendre et à maîtriser. Et si vous n’avez jamais pratiqué le jeu de rôle, forcément, vous n’aurez aucun souci à débuter votre aventure et à y jouer.

En terme de gameplay, nous allons vivre une aventure, avec des choix à effectuer. La réflexion se retrouve au cœur du livre pour que les actions les plus judicieuses puissent être faites. Et bien sûr, un jeu de rôle ne serait rien sans ses lancés de dés. Mais contrairement aux jeux de plateaux, tout le principe sera d’engager diverses compétences (sous forme de ponts) pour diminuer le facteur chance. Le tableau statistique visant à atteindre les 20 points avec les 3D10 est d’ailleurs bien utile pour décider d’augmenter éventuellement ces fameuses compétences sur des actions qui nous semblent vitales. Et il faut bien reconnaître qu’au final, nous sommes en plein dans un mécanisme global de jeu de rôle pour lequel on savoure à la fois les plaisirs du maître de jeu et en même temps, l’excitation des joueurs. Le tout entre-coupé par les phases de lectures qui nous font découvrir l’historie petit à petit. Assurément exquis !

Et l’originalité dans tout cela ? Rappelons déjà qu’un jeu de rôle en solo n’est pas franchement quelque chose de courant. Cette démarche nous paraît déjà ainsi originale à elle seule. On aurait même envie d’en retrouver plus souvent ! Amis éditeurs, vous avez compris notre petit appel du pied ? Quant à l’histoire en elle-même, ce n’est pas vraiment une originalité puisqu’en évoquant un pitch à la H.-P. Lovecraft, vous pourrez facilement vous doutez de l’univers que nous réserve cette aventure. Cependant, la trame ne manque pas de rebondissements. L’histoire débute pendant la guerre avec des faits très concrets, puis cela « évolue » rapidement vers autre chose. On ne vous en dit forcément pas plus, vous le découvriez par vous même !

En effectuant les bons choix, vous constaterez qu’il n’est pas compliqué de gagner. Comprenez par là, que notre cher Beck puisse passer au deuxième livre et ainsi continuer à vivre ce que le destin lui a réservé. Comptez environ trois heures pour terminer le premier tome, en prenant les bonnes décisions. Cela peut vous paraître court, très court même ? On doit reconnaître avoir été un peu surpris de terminer si vite une aventure véritablement palpitante et passionnante. Mais l’auteur a apporté des précisions à ce sujet. Sachant qu’il y aurait presque deux ans d’attente entre l’acte un et l’acte deux de « Dans le Nid du Mal », ce premier livre a été imaginé pour être lu plusieurs fois. Car oui, en trois heures de jeu, vous n’aurez parcouru qu’un petit dixième de l’ouvrage. Plusieurs « chemins » ont été imaginés, plusieurs fins sont possibles et toutes n’aboutissent pas à la même destinée. En effectuant des choix différents, on se retrouve donc avec bien des surprises. Autant donc renouveler l’expérience surtout que notre héros pourra même ne jamais arriver sur les lieux de ses recherches… Ah ! Intrigués vous êtes ?

Et on ouvre rapidement une petite parenthèse pour vous préciser que le deuxième livre sera nettement plus long et plus dirigé. Mais au détriment d’une relecture.

On aura donc eu un vrai plaisir à accompagner Friedrich Beck dans le premier volet de son aventure. Quel plaisir que de goûter aux sensations du jeu de rôle tout en étant seul à tout contrôler. Vite pris en main, simple et nullement prise de tête, on peut donc s’immerger totalement dans l’histoire. Surtout que le texte a été aussi bien rédigé avec l’argo de tous les jours qu’avec des références en tous genre pour une immersion… totale ! Notre expérience de jeu a été captivante et intense du début à la fin. Une envie folle de connaître la suite. Et un récit qui dévie rapidement vers une histoire aux fait irréels mais non dépourvus de rebondissements. On a aussi beaucoup apprécié le côté nomade du jeu puisqu’il suffit finalement du livre, de trois dés et d’un crayon pour y jouer. Facilement transportable, il n’y a que la fiche du héros en « feuille volante »; une petite pause au travail, un rayon de soleil sur la terrasse, un moment lecture au petit coin. Finalement, tout est prétexte pour continuer le périple de Friedrich Beck !

Guillaume Gagnon a pour nous réussi son pari haut la main. Comme on l’a fait pour le premier livre, on attend déjà de pouvoir faire l’acquisition du deuxième, puis du troisième. On trépigne même ! Si vous appréciez les récits, les aventures, les jeux de rôle, les jeux solo, ou même tout cela en même temps, plus d’excuses, vous savez quoi faire. Faites-nous confiance, l’expérience en vaut le coup, nous on s’est fait clouer le Beck !

Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.

La page de la première campagne sur Ulule
La campagne participative sur Kickstarter
La page du jeu sur le site de Posidonia Editions (avec commande possible)

Rédacteur de l’article : Léo

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