On l’avait déjà repérée, au loin. Ses petites ouvertures cachées dans son flanc nord. Des créneaux pour nous faire peur et une entrée réputée comme étant tout bonnement infranchissable. Les gars en rêvaient la nuit. Ou plutôt en cauchemardaient. Parfois, on entendait des bruits sourds à son abord. Puis des flash lumineux. Le reflet d’une attaque qui était en cours et qui ne pouvait être que… terrible. Et impossible d’espérer y aller en engin volant. Non ! Il fallait s’y rendre à pied, avec plusieurs troupes, pour espérer s’en emparer par la force. Manu Militari qu’on nous répète à longueur de journée. Alors imaginez la peur qui nous a assaillis quand on a appris que demain, ce serait à nous de nous y coller. Au péril de notre vie. Plus moyen de reculer. Cette forteresse serait nôtre, mort ou vif…
L’auteur Friedemann Friese n’en finit pas de nous étonner à chacun de ses nouveaux opus. Avec Forteresse, disponible en français chez EDGE, voilà un titre audacieux qui s’inscrit dans la gamme des jeux Fabulosa. Apprendre en jouant avec un unique deck de 90 cartes. Et rien de plus ! Vous y croyez ? On vous en parle…
Si le nom de l’auteur ne vous dit rien, son allure atypique a peut-être attiré votre attention. Des cheveux verts et une bonhommie plutôt assumée, l’allemand Friedemann Friese défrise l’univers du jeu ! On vous a déjà parlé de plusieurs de ses jeux, dont l’excellent « Vendredi » qui fait le plaisir de beaucoup de joueurs solo. Mais aussi, et pour ne citer que ces quelques exemples, « Fini » ou l’excellent « Fabulosa Fructus » que nous avions même élevé au rang de meilleur jeu de l’année 2017. Rien que cela, excusez du peu. Forteresse n’est pas une nouveauté puisqu’il a été édité en 2017, mais on ne pouvait pas ne pas vous en parler.
Surtout que Forteresse a été localisé en français par l’éditeur EDGE, qui a eu l’excellente idée de l’ajouter à son catalogue. Alors soyons honnêtes, les jeux de Friedemann Friese détonnent par leur caractère souvent très singulier. Parfois même austère, soit dans leurs visuels ou dans leur approche. On est fan ou on ne l’est pas ! Mais si on dépasse cette première approche qui manque parfois d’un côté sexy, on se retrouve presque toujours avec des mécanismes de jeu passionnants. Chez Jeudéclick, on adore !
Deux à quatre joueurs, dès dix ans, pourront tenter de conquérir les forteresses. Le temps des parties est quant à lui plus que variable car vous pourrez vous arrêter quand bon vous semble. Comptez néanmoins une quinzaine de minutes pour une partie courte et plus d’une heure si vous vous prenez au jeu et que vous décidez de « vous manger tout le deck ».
D’ailleurs, en parlant de deck, les 90 cartes de la boîte sont les seuls et uniques composants du jeu. Il n’y a même pas de livret d’instruction car Forteresse vous est expliqué pas à pas lors de la pioche des premières cartes. Mais alors, de quoi est-il question ? Dans Forteresse, vous devrez conquérir des… ? Des… forteresses bien sûr ! C’était pourtant facile, faites un effort. Vous piocherez des cartes et en cumulant les valeurs et les effets, vous vous emparerez de ces monstres de béton. Bien entendu, pour peu que vous connaissiez un peu le caractère torturé de l’auteur du jeu, vous saurez pertinemment que ce ne se sera pas si simple.
Regardons cela d’un peu plus près…
Pas de forteresse, pas de forteresse (et pas de palais, pas de palais !)
A ce stade, on devrait vous expliquer la règle du jeu. Oui, mais voilà, comme on vous le disait, Forteresse ne dispose d’aucune règle « papier ». La règle vous est apprise au fur et à mesure de vos tours de jeux, grâce aux cartes piochées dans le deck. Ainsi, on ne désire par vous gâcher l’expérience de jeu en vous révélant tous les tenants et les aboutissants.
Sachez simplement que pour jouer à Forteresse, il vous suffit de placer le deck de cartes au centre de la table. Et c’est parti vous pourrez immédiatement y jouer. A la fin de la partie, le joueur qui dispose du plus grand nombre de forteresses l’emporte.
En piochant, vous découvrirez des cartes de forteresses ainsi que des cartes d’assaillants comportant différentes valeurs. C’est-à-dire des personnages que vous pourrez utiliser pour attaquer les forteresses mais aussi pour les défendre. A votre tour, soit vous piochez une carte du deck pour compléter votre main, soit vous utilisez des cartes d’assaillants que vous avez en main pour prendre une forteresse. Les forteresses peuvent être placées au centre de la table ou chez vos adversaires. Et pour conquérir une forteresse vous devez toujours avoir des cartes de plus haute valeur que celles qui défendent les lieux. Mais les cartes utilisées doivent toujours être du même type, peut importe leur nombre. Puis, les cartes utilisées pour l’assaut deviennent ensuite les cartes qui serviront en tant que défenseur de la forteresse.
Et la partie se poursuit ainsi. Mais elle pourra aussi s’interrompre. Et le deck regorge de cartes spéciales qui viendront régulièrement bousculer/compléter les règles que vous pensiez avoir assimilées. On ne vous en dit donc pas plus car ce serait dommage de vous divulguer toutes les surprises présentes dans les jeu…
90 cartes qui déFriese !
Haaa les petites boîtes vertes estampillées « Friedemann » ! On n’y peut rien, elles nous attirent. Comme de vrais aimants. A l’intérieur de la boîte, on retrouve donc les 90 cartes, format tarot, qui forment la totalité du contenu de la boîte. On aurait apprécié un petit toilage car ces cartes sont perpétuellement manipulées. Prévoyez donc quelques sleeves, c’est plus prudent !
Côté prise en main, on ne peut pas faire l’impasse sur ce qui a été pour nous notre vraie bête noire. En l’absence d’une règle et avec un système qui vous apprend le jeu au fur et à mesure de votre avancement, on pourrait imaginer que la chose soit simple et ludique. Alors ludique oui, mais pas si simple malheureusement. A la deuxième carte de règlement, on s’arrache déjà les cheveux et la confusion règne. On lit et on relit encore. Finalement on parvient à comprendre le système mais on imagine tout à fait que certains joueurs, peut être moins expérimentés, auront du mal à comprendre. Le plus étonnant dans tout cela est qu’une fois comprise, la mécanique est toute simple. Oui, réellement ! C’est d’ailleurs la carte de visite de l’auteur : des mécanismes simplistes mais une très forte profondeur de jeu. Pour le coup, pas de panique, il y a des vidéos d’explications ou de parties qui vous permettront de franchir les éventuelles première barrières.
Mais une fois que les principes du jeu sont assimilées, on se rend bien compte que Forteresse n’est pas compliqué à jouer. Deux choix possibles et le tour est joué ! Ce qui implique un tour de jeu rapide et plutôt vif. On ne reste pas longtemps à attendre et une certaine fluidité s’installe après une ou deux parties.
Forteresse n’est pas révolutionnaire en ce qui concerne le gameplay. En revanche, on a beaucoup aimé le principe qui vise à rajouter des éléments, petit à petit durant l’épuisement du deck. C’est original et on le sait bien, Friedemann Friese aime cette particularité. Il l’a d’ailleurs utilisée dans plusieurs de ses jeux. Mais alors, une fois les 90 cartes découvertes, que reste-t’il ? Il reste des mécanismes simples, dont l’auteur use et abuse pour notre plus grand plaisir. Mais surtout, associée à cette simplicité dans le gameplay, c’est une sympathique profondeur de jeu qui nous reste en bouche. Rien de trop basique, rien de trop complexe. La gestion de main est bien entendu au cœur du gameplay avec des cartes qu’il faudra jouer au bon moment. Il y a évidemment de la stratégie car parfois, mieux vaut laisser un adversaire s’emparer de certaines forteresses pour les reprendre de manière plus puissante au prochain tour. Le bluff est également de la partie. Mais attendez… n’allons pas trop vite en besogne, Forteresse n’est pas centré sur cela. Vous pourrez en revanche en ajouter à votre guise, en dialoguant avec vos adversaires. Ou de façon plus subtile, on jouant de nombreuses cartes mais de faible valeur. Subsiste encore des principes de combos et de prise de risque… Certaines cartes et certains effets vont bien sûr se combiner entre-eux. Pour autant que vous ayez fait une bonne gestion de votre main. Mais on ne veut pas vous en dire plus car nous aimerions vraiment que vous puissiez découvrir le jeu par vous-même. Et les surprises que l’auteur a glissées tout au long de la découverte du jeu.
Parlons encore de la rejouabilité. Une fois les 90 cartes connues, vous aurez le choix de reconstituer le deck original et d’entamer une nouvelle partie. Ou alors, vous pourrez à nouveau brasser toutes les cartes, et c’est re-parti ! Mon kiki ! Comme l’aléatoire est présent avec la pioche des cartes et en fonction des choix de chaque joueur, aucune partie ne ressemblera à une autre. Même si vous décidez de reconstituer le deck originel. Un vrai point fort !
Concernant l’interaction, nous sommes bel et bien sur un opus propice à la discussion. On vous conseille véritablement de discuter avec vos adversaires, de les dissuader de vous attaquer, de négocier avec eux. Bref, tout est permis, alors faites-vous plaisir ! Mais naturellement vous pouvez tout à fait vous affranchir de cette partie interaction, négociation, bluff et jouer à Forteresse comme un bon jeu de cartes en essayant seulement de déployer une stratégie. Il y en a vraiment pour tous les types de joueurs.
Et pour ceux qui voudraient nous poser la question (oui, on commence à vous connaître !), bien sûr que vous pouvez y jouer à deux. Le jeu fonctionne très bien dans cette configuration. Attention quand même à ne pas vous fier qu’aux deux ou trois premières parties. Il faudra vraiment avoir découvert toutes les cartes pour que Forteresse prenne tout son piment à deux.
De notre côté chez Jeudéclick, on a été attirés par la promesse de cette petite boîte, sans règle, qui sentait bon la patte verdâtre de Monsieur Friese. Puis, soyons tout à fait transparents, on a pris peur avec les premières cartes de règles qui nous ont laissé comme un petit goût d’endive en fin de bouche. Mais heureusement on a persévéré et l’expérience ludique de ce « attaque-défense » a été franchement réussie. Et plaisante par-dessus le marché ! Le fait de rajouter des règles tout le long de la découverte du jeu, nous cela nous a plu. Entre vivacité des tours de jeu et simplicité du gameplay, il n’y avait finalement pas de quoi se faire peur. Surtout que la stratégie est bien présente dans la prise des forteresses et dans la mise en place de son jeu. Et même après une dizaine de parties, on se retrouve toujours avec du renouveau et avec un malin plaisir à utiliser certains effets particuliers glissés dans le deck de cartes. Et que l’on ait envie de négocier avec les autres, ou non, chacun y trouve de quoi se faire plaisir. Et cela c’est finalement l’essentiel.
Friedemann Friese aura encore frappé fort avec ses forteresses et son jeu de cartes aux mécanismes simples mais offrant de belles possibilités. A l’image de son auteur, voilà un titre qui pourrait peut-être vous deck-coiffer !
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La fiche du jeu sur le site Board Game Geek
Le site de l’éditeur EDGE
Rédacteur de l’article : Léo
Informations destinées aux personnes avec un handicap
En complément à nos articles, nous transmettons ci-dessous des précisions destinées aux personnes présentant une atteinte à la santé (visuelle, auditive ou déficience intellectuelle) :
– Ce jeu demande une bonne capacité de réflexion et semble peu compatible avec une déficience intellectuelle.
– Ce jeu semble ne présenter aucune autre limitation particulière.