Pas de panique, pas de panique ! Tout est normal à Harbour… Enfin, presque ! Les docks grouillent de cyclopes, de gobelins, de squelettes et depuis ce matin, il y a même des pieuvres violettes qui s’amusent à faire des farces. Jamais nous n’avions vu un tel brassage hétéroclite. Mais nous, sur le Pacifique Presque-Princesse – un fabuleux trois mâts – nous n’avons pas le temps de nous attarder sur ces futilités. De très nombreuses caisses, dénombrées au nombre de trois, doivent être chargées à fond de cale et entreposées à la va-vite dans un lieu secret que le Capitaine appelle le grenier. Toute l’équipe est prête à partir. Le cuisinier a emmené son perroquet nommé Michelin, l’opérateur radio a affûté son antenne et le Capitaine s’est paré de sa plus belle jambe de bois en aluminium. Ah oui, sans oublier le chef canonnier qui reste fidèle à lui-même; un vrai boulet ! Cette fois c’est certain on peut lever l’ancre et quitter le port de Cul-de-Mouette.
Pas sérieux s’abstenir ! Vous êtes prévenus. A tout le moins en ce qui concerne la thématique d’Harbour. Pour le reste, on ne rigole plus car l’entrepreneur que vous êtes va devoir acquérir des bâtiments du port. Un jeu dont l’histoire commence en juillet 2014 sur Kickstarter. Initié par l’éditeur américain Tasty Minstrel Games (TMG), le projet saura convaincre quelques 6’200 contributeurs pour un jeu qui, dans un premier temps, ne sera pas disponible en français. Mais c’était sans compter une localisation francophone initiée par EDGE, ce qui permettra la sortie du jeu dans la langue de Molière courant 2017.
A la barre, le capitaine Scott Almes. Un nom qui ne vous dit peut-être rien, et pourtant ! L’homme n’est autre que l’instigateur de la gamme Tiny Epic et de ses nombreuses déclinaisons. Aux pinceaux, Rob Lundy et Max Hollida… Là d’accord, vous pourriez n’avoir (presque) jamais entendu parler de ces deux asticots, même s’ils ont déjà contribué à quelques autres titres présents au catalogue EDGE. Mais revenons à Harbour… L’opus pourra être joué de 1 à 4 joueurs, dès dix ans, pour des parties d’environ 45 minutes en moyenne.
On vous parlait du port de Cul-de-Mouette et c’est bien là que votre partie se déroulera. Vous voici donc dans la peau d’un entrepreneur ambitieux. Sur les docks, de nombreuses marchandises pourront être collectées et échangées pour acheter de prestigieux bâtiments. Et qui dit prestigieux bâtiments, dit forcément des points de victoire à gagner pour remporter la partie. Essentiellement basé sur des cartes, Harbour vous permettra également de faire évoluer les prix au marché.
Harbour du bon sens
Vous voilà au fameux port de Cul-de-Mouette ! Le lieu idéal pour faire fructifier les « affaires » du fameux entrepreneur que vous êtes. A la fin de la partie, le joueur qui totalisera le plus de points de victoire l’emportera.
Vous commencez avec quelques ressources et un premier bâtiment déjà en votre possession, lequel est pré-imprimé sur votre plateau personnel. Le marché donne le cours des quatre différentes ressources du jeu et au centre de la table, vous découvrez les bâtiments que vous pourrez utiliser et acheter pendant la partie. Quand vient votre tour, vous devez déplacer votre personnage sur un bâtiment inoccupé. Soit sur un bâtiment présent au centre de la table, soit sur un bâtiment que vous possédez, soit sur un bâtiment en possession d’un autre joueur, mais pour cela vous devrez payer un droit d’accès qui se traduira par une ressource. Puis vous effectuez l’action du lieu. Voilà, vous savez jouer à Harbour !
Bon d’accord, on peut vous en dire plus ! Chaque bâtiment va vous permettre d’acquérir des ressources, d’en vendre ou d’en échanger. Certains bâtiments vous permettront d’échanger la place des ressources au marché et donc, leur prix. Certains lieux offriront des avantages divers, des moyens de payer moins cher vos bâtiments et surtout… vous pourrez aussi acquérir les bâtiments au centre de la table. Acquérir des bâtiments est le moyen d’engranger des points de victoire. Pour acheter, vous payez les coûts en ressources, et vous modifiez les prix du marché. Ce qui était cher devient peu coûteux et inversement. Plus vous pouvez payer des ressources, et plus vous pouvez acheter des bâtiments de grande valeur. Et donc, qui rapporteront plus de points de victoire.
La partie continue ainsi jusqu’à ce qu’un des joueurs mette fin au jeu avec l’acquisition de son cinquième bâtiment. On comptabilise les points de victoire des bâtiments en sa possession et on désigne l’entrepreneur victorieux !
Le jeu qui n’en fait pas des caisses
A fond de cale, certaines caisses sentent parfois le poisson pas frais. Mais là, les boîtes de Harbour sentent au contraire plutôt bon. Un petit fumet savoureux à la sauce cubes en bois. A l’intérieur, 40 cartes, 20 pions en bois accompagnés de leurs stickers, 16 plateaux de joueurs recto/verso, 4 meeples en bois et un feuillet des règles du jeu. Des instructions présentées sous forme d’un dépliant dont le tout pourrait passer sur quatre pages. Au final, une production du jeu bien réalisée, avec soin et qui donne franchement envie de se plonger dans l’aventure. On a aussi beaucoup apprécié les très nombreuses illustrations présentes sur le matériel, parfois amusantes et burlesques qui apportent un côté décalé à la thématique.
Pas de soucis avec les règles du jeu qui sont ponctuées de nombreuses illustrations. En revanche, cela pourra vous sembler amusant mais nous avons mis un certain temps à trouver la règle pour le jeu en solo. Cette règle n’est pas présente dans le livret et se trouve étonnamment au verso de l’un des 16 plateaux de joueur. Quelle idée ! Et il n’y aucune mention nulle part. En outre on comprend que l’éditeur a certes des contraintes de production, mais quand cela se fait au détriment du confort de jeu, la démarche nous étonne. Là, comme les instructions se trouvent au verso du plateau de l’IA qui contrôle le joueur virtuel, impossible de consulter les instructions durant la partie sans devoir retirer tous les composants du plateau de jeu. Mais une fois que la règle est connue cela ne pose plus de soucis. Ouf !
Après une mise en place vraiment rapide, Harbour se prend en main très facilement. En deux petits tours de jeu, les différents protagonistes autour de la table comprennent les mécanismes de l’opus ainsi que le fonctionnement du marché. Rien de bien complexe grâce à un fonctionnement accessible qui nous a bien convenu. Toutes les cartes comportent des pictogrammes relatant les actions mais heureusement, l’éditeur a prévu un texte au-dessous pour une meilleure compréhension. Il faut dire qu’il y a pas mal d’actions différentes et ces petits explicatifs sont vraiment les bienvenus lors des parties. Surtout pendant les premières parties.
Le tour de jeu a été optimisé au maximum. Qu’est-ce qu’on aime ces mécanismes très simples mais qui permettent de déclencher une belle variété de possibilités ! Et les joueurs, même lorsque ce n’est pas leur tour, restent constamment actifs. Au niveau des mécanismes de jeu, on se situe clairement dans un jeu de gestion de ressources. Et cela va encore plus loin que le simple fait d’accumuler pour vendre. En effet, le marché qui évolue au cour de la partie, pimente davantage la partie. Au gré des achats, plus les marchandises qui étaient onéreuses deviennent bon marché, et inversement. Ainsi, il conviendra aux joueurs d’ajuster perpétuellement leurs stratégies. Et parfois, cela peut vite devenir crispant pour les nerfs des joueurs. On retrouve également un système de placement d’ouvriers vu que les cartes actives ne peuvent être occupées que par un seul joueur. Cela donne encore plus de stratégie au gameplay. Et cumulés aux différents pouvoirs et à un système de collection, avec les pictogrammes des cartes servant à déclencher des effets, il faudra faire preuve d’opportunisme. En effet, voilà encore un mécanisme essentiel présent dans Harbour. L’opportunité occupera une place de choix. Non seulement pour effectuer ses actions, mais également pour bloquer les adversaires lorsque la situation l’impose. Et vous pouvez nous croire, ce n’est pas toujours facile à accepter en tant qu’adversaire ! C’est donc un jeu léger en apparence mais qui regroupe de bons mécanismes qui fonctionnent bien ensemble et qui en font un opus plutôt riche.
Vous nous avez sans doute lus entre les lignes… Harbour n’est pas forcément le jeu qu’il faudra pratiquer avec vos amis ou avec votre conjoint. Il y a effectivement de quoi se jouer de mauvais tours. Se placer sur les emplacements dont l’autre a absolument besoin pour terminer sa stratégie… Ou pire encore, casser tout ce qu’il vient de mettre en place et réorganiser le marché en achetant un bâtiment ! Cette manœuvre se veut à la fois redoutable et terriblement agaçante lorsqu’on l’utilise au bon moment contre un autre adversaire. Chez Jeudéclick on a bien entendu adoré cela et on peut vous dire qu’il y a eu de hauts cris dans nos bureaux ! Hô oui !
En terme de rejouabilité, Harbour offre de quoi se satisfaire durant pas mal de temps. Entre les nombreux personnages qui proposent tous des effets personnels variés, le grand deck de cartes et le tirage aléatoire de ce dernières… Vous ne risquerez pas de rejouer deux fois la même partie. C’est évident ! Par ailleurs, en fonction de votre groupe de joueurs, vous aurez des sensations de jeux complètement différentes d’une partie à l’autre, mais à chaque fois, avec une belle interaction et de bons moments (ou pas !). Gardez à l’esprit que ce n’est qu’un jeu… Et si vraiment, il vous reste les peaux de bananes dans les escaliers pour vous venger !
A deux joueurs, l’opus fonctionne extrêmement bien. Tout comme avec l’ensemble des configurations finalement. A un joueur, il y a du challenge et l’opus reste également intéressant. En revanche, on a noté que le degré de difficulté de l’intelligence artificielle (IA) peut être très variable d’une partie à l’autre. En effet, comme les bâtiments disponibles à l’achat résultent du tirage aléatoire des cartes, certains effets conviennent moins bien aux parties en solo. Et si elles devraient comboter entre-elles, vous pourriez vous retrouver soit avec un joueur adverse imbattable, ou à contrario, d’une incroyable facilité. Mais, si la chose vous dérange, vous pourrez simplement retirer certaines cartes de vos parties en solitaire. Le deck est suffisamment conséquent pour l’optimiser à votre convenance. Quoi qu’il en soit, il y a un véritable défi à affronter l’IA et pas juste à battre votre score. On voit le joueur fantôme qui progresse de tour en tour et ce n’est pas toujours simple de lui mettre des bâtons dans les roues. L’expérience de jeu vaut quand même la peine d’être vécue pour ce mode solo.
Au final, c’est une petite boîte mais un jeu qui nous a marqués par l’ampleur de sa richesse. Un tour de jeu facilement pris en main, des actions qui ne partent pas dans tous les sens, et une belle profondeur. Voilà qui nous plaît énormément ! On est d’accord, il n’y a rien d’innovant dans les mécanismes mais tout fonctionne bien. Le thème est là, plaisant et ce petit « twist » avec le marché en constante évolution, donne tout l’intérêt à ce jeu. Un opus qui peut d’ailleurs devenir facilement nomade avec ses quelques composants et sa surface de jeu relativement modeste. Un vrai mode solo – et pas uniquement quelque chose de rajouté – aura définitivement achevé de nous convaincre.
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La fiche du jeu sur Board Game Geek
Le jeu en solo, en vidéo, et en français
Le site de l’éditeur EDGE
Rédacteur de l’article : Léo
Informations destinées aux personnes avec un handicap
En complément à nos articles, nous transmettons ci-dessous des précisions destinées aux personnes présentant une atteinte à la santé (visuelle, auditive ou déficience intellectuelle) :
– Ce jeu demande une bonne capacité de réflexion et semble peu compatible avec une déficience intellectuelle.
– Ce jeu semble ne présenter aucune autre limitation particulière.