Ils ont toujours parcouru ce monde, toujours incarné son esprit, façonné ses terres… Les Titans étaient là bien avant nous. Ce sont les gardiens, observateurs silencieux, ceux qui font respirer le cosmos. Ici, pas de masses grouillantes, pas de civilisations à l’échelle du continent. L’humanité n’en est qu’à ses balbutiements, vivant en tribus dispersées dans la forêt, la toundra et le désert. Vous êtes sur Iwari…
Une histoire d’éclairs et de griffes
Thundergryph… Un nom qui évoque fortement un dessin animé des années 80 (Thundercats ou Cosmocats en VF) que les jeunes de moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Voire même les moins de 30 ans. Fondée en mars 2016, Thundergryph Games est une toute jeune maison d’édition qui, 4 ans plus tard, en sus d’avoir presque triplé son contingent, compte déjà un catalogue relativement impressionnant avec des titres tels que Overseers, Tao Long ou encore Tang Garden. Le cheval de bataille de Thundergryph se base essentiellement sur la création et l’adaptation de jeux internationaux (inédits en anglais) aussi bien pour les marchés américains qu’européens.
En Mars 2019, Thundergryph Games lance sa 6ème campagne de financement participative sur Kickstarter qui se terminera avec succès 16 jours plus tard récoltant au passage quelques 390’000€; un excellent résultat pour un eurogame abstrait de majorité, prénommé Iwari. Conçu par l’auteur allemand Michael Schacht (Draco&Co, Sushis Express, Zooloretto…) et illustré par Matthew Mizak (Dead Man’s Doubloons, Tang Garden), le jeu est une réactualisation pimpée de Web of Power, un titre du même auteur publié en 2000. Prévu pour 1 à 5 joueurs dès 14 ans pour une durée de partie moyenne de 45 minutes, l’opus devrait normalement être disponible durant le premier quart de l’année 2020.
Dans Iwari, qui signifie « Découverte » en Yoruba (langue de l’Afrique de l’ouest), il ne sera pas question de masse grouillante ou de civilisation à l’échelle de continent, mais d’une civilisation n’ayant pas encore dépassé le stade de l’enfance. Les joueurs vont incarner différentes tribus dispersées sur le monde d’Iwari, et en quête d’identité, partis prospecter les vastes régions inexplorées de leur monde pour rencontrer d’autres tribus et échanger connaissances, culture et sagesse.
C’est évidemment la version poétiquo-marketing, parce que techniquement, c’est un peu plus frisquet-slash-thème-plaqué-au-neoprene. Il s’agira en effet pour les joueurs de faire globalement de l’expansion territoriale en s’établissant dans cinq régions différentes du monde, représentées sur le plateau de jeu, pour obtenir stratégiquement la majorité. Pour ce faire, les joueurs utiliseront des cartes pour lancer deux types d’actions : à savoir, placer des tentes pour marquer l’extension de leurs colonies et construire des totems pour échafauder des liens avec les Titans sur les différentes régions. Tout ce petit monde permettra de rapporter des points de victoire. Et bien évidement, le joueur qui comptabilisera le plus grand nombre de points de victoire en fin de partie sera déclaré vainqueur.
Concrètement, comment ça fonctionne-t-il do-do-didonc ?
Comme indiqué précédemment, le plateau de jeu d’Iwari est composé de 5 territoires. Chaque territoire est représenté par 2 types de symbole : un grand pour les totems (forêt, toundra, côte, glacier et désert) et un plus petit pour les tentes. Cette information est d’importance puisque les cartes comporteront les mêmes types de symboles. Mais on va y revenir…
Chaque joueur débutera la partie avec 3 cartes. À son tour, un joueur aura le choix entre 2 actions : jouer jusqu’à 3 cartes de sa main dans l’optique de placer tente(s) et/ou totem(s) ou jeter une carte pour en piocher une nouvelle. Pour placer une tente ou un totem sur un territoire, les joueurs devront d’une part se référer aux symboles indiqués sur le plateau pour jouer des cartes comportant ces mêmes symboles mais aussi suivre une série de petites formalités détaillées dans les règles de jeu. Bien évidemment, les tentes – tout comme les totems – devront être placées dans les lieux permettant d’accueillir ces types de structures et tout aussi évidemment le nombre d’emplacements par territoire sera limité.
Vous êtes probablement en train de vous dire qu’il ne s’agit là rien que d’un bête jeu de majorité et qu’il suffira aux joueurs de tenter d’occuper le plus de terrain possible pour gagner la partie… Que nenni mes frères et sœurs ! Iwari est bien plus subtil que ça !
Une partie se jouera en 2 phases (la mi-journée et la fin de journée) et l’on procèdera à un décompte de points quelque peu différent « techniquement parlant » lors de chacune de ces 2 phases. C’est justement lors des phases de décompte de points, se déclenchant avec l’épuisement du talon de pioche, que cette subtilité sera mise en lumière.
À la fin de la première phase, on ne prendra en compte que les tentes. Notez que l’on procédera pareillement pour chaque territoire. Le joueur possédant le plus de tentes sur un territoire obtiendra 1 point de victoire par tente occupant le territoire, indépendamment de la couleur et donc de l’appartenance. Le second joueur avec le plus grand nombre de tentes obtiendra 1 point de victoire par tente possédée par le premier joueur. Et ainsi de suite… Ce qui sous-entend qu’il ne servira à rien pour les joueurs d’occuper majoritairement un territoire puisqu’il suffira à un adversaire d’occuper un seul petit emplacement avec une tente pour éventuellement se retrouver second et obtenir ainsi presque autant de point que le premier joueur. Il faudra donc parsemer subtilement ses tentes à travers tous les territoires pour ne pas trop favoriser les adversaires tout en maintenant la majorité.
Mais ce n’est pas fini. Une fois le second tour achevé, on procèdera de façon équivoque en prenant cette fois-ci en compte les totems et… Roulement de tambours… Les connexions !
La carte du monde d’Iwari est composée de 2 sortes de « tracés » : ceux qui traversent les différents territoires et sur lesquels sont disposés les différents emplacements pour accueillir les tentes et ceux qui séparent les différents territoires des uns des autres (des sortes de frontières en somme). Les frontières comporteront toutes un nombre qui permettra de faciliter le calcul de point de victoire provenant de totems. Ainsi, lors du décompte de point, on passera en revue toutes les frontières en comparant les totems qui occupent les 2 territoires. Le joueur qui possèdera une majorité de totems de part et d’autre obtiendra un nombre de points de victoire équivalent au nombre de total de pièces composant les totems sur les 2 territoires concernés. Dans le cas d’une égalité, les joueurs obtiendront le même nombre de points…
Reste ensuite à s’occuper de tracés intra-territoriaux. Les joueurs qui auront réussi à poser 4 tentes de suite (minimum) sur un tracé obtiendront 1 point de victoire par tente sur le dit tracé. Il ne restera alors aux joueurs qu’à comptabiliser le nombre total de points pour définir le vainqueur.
Pour les joueurs qui deviendrait rapidement des experts en la matière, il faut souligner qu’il sera également possible d’ajouter aléatoirement un certain nombre de tuiles montagnes sur les frontières empêchant alors l’obtention de points victoire à la fin de la seconde phase de jeu ainsi que des meeples « Exploit » qui seront obtenus en fonction des actions des joueurs et qui permettront de multiplier certains scores.
C’est dans les vieilles marmites que l’on fait les meilleures soupes !
Les joueurs ayant déjà eu l’occasion de jouer à Web of Power (ce qui est notre cas), seront très certainement agréablement surpris par cette nouvelle mouture bien plus intense et tendue que son prédécesseur. Cependant, le thème relativement bateau ne servira finalement qu’à justifier l’excellente charte illustrative de Matthew Mizak, tout en vendant un tantinet de rêve. Mais comme pour bon nombre de jeux abstraits, le thème sera tout sauf prépondérant et s’estompera dans les limbes de l’oubli ludique après 2 tours de jeu. Qu’à cela ne tienne… Iwari vous plaquera indubitablement dans votre siège et poussera vos méninges à se mettre à bouillir. Car si au demeurant, il suinte le bon gros jeu de majorité standard, les subtilités appliquées lors des phases de décomptes vous obligeront à rester particulièrement attentifs et à réveiller le joueur d’échecs qui sommeille en vous !
Notez pour conclure qu’en plus du mode compétitif, Iwari propose une carte recto-verso et un mode solo introduisant un élément inédit dans le jeu : le vide, représentant le temps qui passe. Une approche très intéressante qui ravira les amateurs du genre (au nombre toujours plus grandissant).
Si vous êtes amateur de jeux abstraits et que vous appréciez les titres proposant une courbe d’apprentissage assez conséquente, Iwari pourrait bien trouver le chemin qui mène tout droit à votre ludothèque. En ce qui nous concerne, nous avons pris les devants en lui envoyant nos coordonnées GPS…
2 commentaires
Merci pour cet article ;
à la lecture ça ressemble un peu au Blue Lagoon de Reiner Knizia — à l’utilisation des cartes près — non ?
(placement sur une carte, 2 phases de décompte presque identiques, …)
Salut Jerem,
Merci pour ton commentaire. En effet, on peut dire qu’il y a des similarités.