Georges, marteau à la main est en train de planter un nouveau piquet. Une de ses brebis mettra bas dans quelques jours, il faut absolument agrandir les enclos afin d’accueillir les nouveaux agneaux. Cette saison, il pense qu’il pourra en tirer un bon prix. Ce serait bien, il pourrait agrandir son entreprise agricole, investir dans de meilleurs équipements… Pendant qu’il installe ses clôtures Mark arrive un peu en panique.
« Georges, un avis de tempête est lancé il faut absolument que tu viennes nous aider à consolider la digue, nous pourrions perdre nos pâturages ! »
Il n’y a décidément aucun répit sur les Basses Terres…
En Ecosse, les endroits qui ne sont pas des Highlands sont considérés comme les Lowlands ou « Basses-Terres » dans la langue de Molière. Les agriculteurs des Basses-Terres doivent faire face aux caprices de la nature : tempêtes, inondations, etc. Il n’est donc pas aisé de cumuler travail avec la rudesse de la nature. De ce fait, ces derniers s’assemblent et tentent de protéger les pâturages en construisant des digues permettant de se prémunir contre les vagues submersives.
Et au final, c’est cela que conte le jeu Les Basses Terres de Ralf et Claudia Partenheimer. Un opus édité par Z-Man Games, et comme à son habitude, c’est EDGE qui est chargé de la localisation de ce dernier pour la francophonie. Il est prévu pour 2 à 4 agriculteurs voulant se développer pendant 50 à 100 minutes. Si si, on vous assure, en Ecosse les gens là-bas y arrivent. C’est fou non ?…
Dans ce jeu les joueurs incarneront donc des agriculteurs éleveurs de mouton devant à la fois développer leur entreprise et protéger les basses terres en participant à la construction d’une digue empêchant les vagues de détruire leurs biens. Ce jeu à des allures d’un jeu d’Uwe Rosenberg et pour cause, les auteurs s’inspirent beaucoup des œuvres de ce dernier. Il a même contribué à la conception du jeu en aidant et conseillant les auteurs. Plutôt sympathique le bonhomme !
En revenant de Nantes, la digue la digue…
Le but du jeu dans les Basses-Terres est de faire le plus de points de victoire. Pour cela il y a de multiples façons de scorer : construire la digue, élever un maximum de moutons et développer sa ferme.
Une partie se compose en une succession de phases. Il y a quatre phases différentes : initialisation, action, maintenance et marée haute. Hormis la phase action, les autres phases se déclenchent simultanément pour tous les joueurs. La phase action, elle, permet aux joueurs d’effectuer une action chacun son tour pour un maximum de 3 actions chacun (donc 3 tours).
Il y a deux axes de jeu majeurs dans les Basses-Terres : le développement de l’exploitation agricole ainsi que faire face à la grande marée. Pour cela les joueurs disposeront de cinq actions différentes : achat de bâtiments, commerce de moutons, achat et construction d’enclos, récupération de ressources (permettant la construction de la digue, des enclos et des bâtiments) et participation à la construction de la digue.
Le premier axe est représenté par les quatre premières actions et consiste au développement de la ferme : on va récolter des ressources, construire les bâtiments avec celles-ci, construire et agrandir nos enclos (encore avec les ressources). De plus, on pourra élever nos moutons (2 moutons peuvent donner naissance à un 3e s’il y a suffisamment de place dans l’enclos) et en faire le commerce (achat ou vente).
Le second axe de jeu est représenté par la cinquième action : la construction de la digue. Lorsque l’un de vous souhaite travailler à la construction de la digue, alors vous allez devoir utiliser des ressources identiques pour un maximum de la valeur de l’ouvrier activé. Lorsque vous ferez cela vous marquerez des points sur la « piste de digue ». Ensuite vous devez proposer à un de vos concurrents de participer. S’il accepte, il pourra utiliser la même ressource que vous et il marquera des points de digue égaux au nombre de ressources dépensées. De plus, il vous permettra de marquer un point de digue supplémentaire. Lorsqu’on arrive à construire un pan de digue, ce dernier est placé sur le plateau pour contrer une vague arrivant avec la prochaine grande marée.
La digue a une importance cruciale : à chaque phase « grande marée », on comparera le niveau de la marée qui augmentera au fur et à mesure de la partie à la taille de la digue. Si la digue protège de la marée, alors les joueurs gagneront des pièces. Mais si la digue ne protège pas la marée, les joueurs seront pénalisés et récupèreront des jetons « brèches ». Les bonus et malus seront proportionnels à la différence entre les joueurs sur cette piste par rapport au plus avancé (dans le cas d’un échec) ou reculé (dans le cas d’une réussite).
L’importance dans la mécanique des points de digue est que lors d’une phase d’initialisation, c’est le joueur le plus avancé sur la piste de points de digue qui devient le premier joueur. De plus, selon la réussite ou non de la digue pour contrer la vague alors les multiplicateurs de points de victoire en fin de partie pour les moutons et la digue évolueront : plus la digue est solide, plus les moutons vaudront des points et moins la digue en vaudra et inversement si la digue est submergée souvent.
Ragoût de moutons et salade de points !
Pour nous, le jeu est une vraie réussite, que ce soit au niveau matériel, mécanisme ou sensations. Nous allons détailler tout cela. Pour toi public !
Au niveau du matériel, le constat s’avère très positif. Nous avons bon nombre de pièces en bois (barrières, digue, vagues, ouvriers, moutons,…), des pièces, des bâtiments ainsi que des cartes. Il y a un plateau central ainsi que des plateaux individuels recto/verso proposant des arrangements différents selon la face choisie. Le tout est de très bonne qualité. La boîte est lourde et on apprécie cela !
En ce qui concerne les illustrations elles sont toutes aussi sérieuses que belles. Il y a beaucoup de détails sur les différents éléments de jeu, mais aucun texte sur le matériel. On apprécie aussi les visuels des plateaux joueurs. D’ailleurs sur ces derniers, les lacs, arbres et buissons ne sont pas là que pour embellir le plateau ! Malin !
Si vous vous imaginez que dans Les Basses Terres la thématique n’est pas respectée, alors elle ne le sera dans aucun jeu. Franchement, le jeu colle à la thématique, cette dernière n’est pas là pour faire de la figuration ! La vague est visible, la digue aussi. Le matériel colle parfaitement au thème. Juste génial ! Bien sûr, il faut quand même aimer les jeux à l’allemande sur l’Ecosse. On parie que vous ne vous êtes jamais réveillé un matin en vous disant « tiens, je me ferais bien un jeu à l’allemande sur la thématique écossaise des Basses Terres ! »
La règle du jeu est claire, écrite simplement avec des illustrations, des exemples systématiques pour tous les cas rencontrés. Elle s’appréhende bien et on l’assimile facilement. De plus, nous avons un supplément à la règle décrivant les capacités de chaque bâtiment ce qui est toujours plus qu’utile. A cela s’ajoutent des aides de jeu par joueurs simples et clairs. Pour l’instant c’est un sans-faute mes bons messieurs-dames !
La mise en place du jeu est rapide, surtout si on organise auparavant en préparant les effets de début de partie de chaque joueur dans un pochon. Une fois les explications passées (environ 15 minutes d’explication de règles) la prise en main est quasi immédiate. Il suffit d’un tour de jeu et tout le monde comprend.
Au niveau des mécanismes, ces derniers sont plutôt nombreux, il y a que 5 actions mais tellement de possibilités. Nous retrouvons du commerce, du placement de bâtiment, du développement d’enclos mais le plus innovateur reste la participation à la construction de la digue. Cela nous donne un jeu de placement standard avec une partie coopérative. Un vrai jeu semi-compétitif ou semi-coopératif. On vous laisse décider ! Déroutant non ? Tout comme la piste de valeur de points qui évolue selon l’accomplissement ou non de la digue ! Déroutante elle aussi mais originale et intéressante car encore une fois deux axes sont présents en même temps pour le scoring. Au niveau des différents mécanismes, ceux qui cherchent un jeu innovant et efficace seront servis.
Les tours de jeu s’enchaînent facilement, il n’y a pas d’attente, de plus le fait de pouvoir être sollicité durant le tour d’un autre joueur diminue encore un peu le sentiment (déjà très faible) d’attente. Le jeu n’est pas du tout complexe dans son exécution. Par contre, on a vraiment affaire à un opus très réfléchi et il deviendra complexe à l’élaboration d’une stratégie ultime.
Le fait qu’il y ait beaucoup d’interactions et cette construction de digue permet une grande rejouabilité. Chaque partie sera différente et on peut s’amuser de partie en partie à tenter différentes stratégies mais qui seront toujours en phase avec les actions et celles entreprises par les autres joueurs.
Pour les joueurs jouant en duo, il y a une petite variante pour la construction de la digue permettant au joueur de faire appel au marché pour obtenir de l’aide. Cela permet de pouvoir équilibrer la partie lorsque nous jouons qu’avec un seul partenaire. Par contre, pas de variante solo, ce qui peut être compréhensible du fait que l’interaction avec d’autres joueurs fait partie intégrante du jeu. Amis solistes, passez votre chemin, les moutons ce sera pour une prochaine fois ! Bèèèèèh oui, c’est comme ça !
En conclusion, ce titre passé un peu inaperçu, noyé dans les sorties Kickstarter ou autres grandes annonces (mais nous sommes là pour y remédier) est vraiment très bon. Un jeu pour experts dans lequel on ressent vraiment une inspiration des jeux de monsieur Rosenberg mais également très innovant dans ses mécanismes. Un jeu qui entre sans souci dans les ludothèques des joueurs appréciant les jeux à l’allemande.
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La fiche du jeu sur le site de EDGE
Rédacteur de l’article : Sylvain
Informations destinées aux personnes avec un handicap
En complément à nos articles, nous transmettons ci-dessous des précisions destinées aux personnes présentant une atteinte à la santé (visuelle, auditive ou déficience intellectuelle) :
– Ce jeu présente une règle complexe et semble peu compatible avec une déficience intellectuelle.
– Ce jeu demande une bonne capacité de réflexion et semble peu compatible avec une déficience intellectuelle.
– Ce jeu semble ne présenter aucune autre limitation particulière.