Aaaaah… Le printemps, le retour des oiseaux, des abeilles et des fleurs et justement, cette année, vous vous laisseriez bien tenter par l’élaboration d’un potager ! Vous frémissez à l’idée de croquer dans une belle tomate cueillie dans votre propre jardin après de longues semaines passées à la bichonner et à la regarder mûrir. Oui mais voilà, malgré votre ferme intention de faire une belle récolte, vous n’avez pas envie d’inonder votre petit paradis végétal de produits toxiques et autres mixtures plus ou moins nocives pour en éloigner les indésirables ou aider vos légumes à pousser. C’est probablement le moment de vous intéresser à la permaculture, et c’est précisément l’idée du premier jeu de Dorian Tourin-Lebret.
One man game !
L’auteur de Supermaculture a entièrement conçu le jeu, de l’écriture au graphisme et de l’édition à la distribution. En effet, s’il est disponible depuis début 2018, on ne peut l’acquérir qu’en ligne. On vous communique l’adresse au bas de l’article. Non, en fait vous pouvez aussi le trouver dans un nombre croissant de boutiques en ligne et physiques en France et en Belgique. Ce choix audacieux, c’est celui de maîtriser la chaîne de production de bout en bout mais aussi de laisser s’exprimer une pulsion créatrice car Supermaculture est une parenthèse dans la vie professionnelle de Dorian Tourin-Lebret. Jeune entrepreneur diplômé de Centrale, il fait du développement durable sa préoccupation première. Aussi, quand il a découvert les concepts qui gravitent autour de la permaculture, il a tout de suite eu envie de les vulgariser. Quant au médium du jeu, il s’est imposé comme une évidence de par les aspects de gestion optimisée et de coopération, très présents dans un potager en permaculture. Dorian est actuellement en discussion avec plusieurs distributeurs, nul doute qu’on retrouvera bientôt Supermaculture dans nos boutiques préférées. Bon, maintenant qu’on a saisi la démarche, voyons côté jeu ce que ça donne !
Les fruits et les légumes, c’est aussi bon pour les ludistes
Supermaculture est un jeu coopératif pour 2 à 6 joueurs dans lequel le but est de produire un maximum de légumes et de fruits par an et ce, en jouant sur une, deux ou trois années. S’il est recommandé pour le jeune public à partir de 10 ans, une variante permet toutefois d’inclure à la partie les enfants à partir de 5 ans.
La partie se déroule autour d’un plateau qui représente une ferme, composée de huit parcelles cultivables dès le début, quatre ensoleillées dont deux irriguées et quatre ombragées dont deux irriguées également. Quatre autres zones de culture en friche et deux serres pourront par la suite être débloquées grâce aux capacités des personnages ou aux cartes évènements. Autour des espaces de plantation, quelques éléments de décors (mares, poulailler, arbres fruitiers) et une frise chronologique représentant les douze mois de l’année.
Au dos des règles, un tableau nous invite à choisir un contrat avant de commencer la partie, c’est-à-dire à choisir nos propres conditions de victoire en fonction du nombre de joueurs, de la durée de la session de jeu (une, deux ou trois années) et de notre niveau supposé : débutant, apprenti, pro ou même expert.
Une fois les objectifs définis, chaque joueur pioche une carte personnage parmi les dix qui nous sont proposées. Nous voilà ainsi dans la peau d’un maraîcher ou d’une maraîchère ayant un historique propre qui lui prodigue une capacité particulière. Par exemple, Andréa peut mobiliser son réseau pour construire une serre, quand Camille peut effectuer deux actions par tour au lieu d’une.
La partie commence et le plus jeune joueur ou la plus jeune joueuse est désigné Chef de culture. A ce titre, il ou elle positionne le jeton marqué d’un sablier sur le mois de janvier et tire la première carte évènement. Ces dernières, piochées à chaque début de mois, imposent des bonus ou des malus à effet immédiat ou courant sur toute l’année : invasion de pucerons dévastant certaines cultures, chèvres défricheuses qui ouvrent deux nouvelles parcelles ou bien petite pluie sans effet particulier. Autant de variables qui rythment astucieusement et avec humour la partie. Après la résolution de cette carte, chaque joueur tire au hasard une graine parmi les 54 jetons Graine et les 5 jetons Fruit, dont la plante reste en place d’année en année. Chaque jeton Graine comprend une illustration du fruit ou du légume mais aussi des éléments graphiques qui nous indiquent les périodes de semis sous serre ou à l’extérieur, les mois de récolte, l’ensoleillement ou l’irrigation requise et les associations possibles avec d’autres espèces.
Rappelons que le but du jeu est de produire un maximum et pour cela, il faudra en effet réaliser les combinaisons les plus profitables sur une même zone de culture qui peut accueillir jusqu’à trois semis différents. S’il est impossible d’associer certaines espèces, il est tout de même très important de favoriser des cultures communes puisque la récolte est doublée et triplée sur les parcelles contenant deux plantes ou trois plantes associées. De quoi augmenter très rapidement sa production ! La difficulté réside dans le fait qu’on sera parfois poussé à monopoliser une parcelle entière pour une graine que nous n’avons pas réussi à jumeler.
Après la phase de pioche, l’heure est donc au semis ou à la récolte. Si chaque joueur, hors bonus, n’a qu’une action possible, on comprend vite qu’il est très important de communiquer et de planifier ensemble semis et récoltes pour maximiser nos chances de gagner. Ici interviennent les aspects coopératifs et stratégiques du jeu et à 4, 5 ou 6 joueurs, cela devient un « poil » complexe. En effet, si on manque un peu de bras à 2 ou 3, réaliser les bonnes associations et réussir à tout récolter en étant plus nombreux nécessite une vraie coordination de groupe !
Le tour se termine quand tout le monde a joué son ou ses actions. Le ou la Chef de culture avance le marqueur de temps sur le mois suivant, pioche une carte évènement et on reprend ainsi les actions décrites précédemment. Après décembre, si on a décidé de jouer plus d’une année, chaque joueur conserve une seule graine, les plantes non récoltées sont défaussés et on change de Chef de culture, puis on redémarre en janvier.
Si les premiers mois ne sont pas propices au semis de la plupart des espèces, la machine s’emballe rapidement avec un réel effet boule de neige et les graines s’accumulent dans nos réserves. De même, en été, les plantes à récolter abondent mais nos points d’actions sont limités, d’où l’importance d’élaborer ensemble une stratégie.
De la gestion très terre à terre
Avec un peu de recul, Supermaculture est un jeu de gestion bien sympathique qui permet au passage de se rendre compte de la saisonnalité des produits que nous consommons, qui nous pousse à redécouvrir certains végétaux que nous mangeons bien moins que d’autres et peut-être à nous rapprocher d’une façon moins industrielle de produire et de consommer nos aliments. Mais au-delà de la réflexion que peut induire ce type de jeu, on a ici un jeu agréable, simple sans être simpliste et divertissant.
Avec ses règles courtes et claires, Supermaculture se veut accessible à tous, ciblant toutefois un public plutôt familial de par sa facilité d’accès pour les plus jeunes ainsi que pour les joueurs occasionnels. Notons au passage que si les principes de base sont simples, les combinaisons d’effets produits par les cartes personnages et évènements permettent une rejouabilité très acceptable.
Par ailleurs, on ne peut que saluer, outre l’initiative de l’auteur, la cohérence globale du jeu, fruit d’une approche minimaliste et éco-responsable. La permaculture est affaire d’optimisation et force est de constater que Dorian Tourin-Lebret a appliqué ce précepte dans les moindres détails de l’édition de son jeu. Le matériel est sobre : des paniers de récolte en bois brut, un sac en toile de coton bio et issu de l’économie solidaire, des jetons, un plateau et une boîte en carton recyclé et imprimé par une entreprise française certifié Imprim’vert… Simple, efficace et sans fioriture.
Enfin, si l’émergence massive de jeux liés à la survie dans un monde post-apocalyptique est inévitable tant elle est le reflet des peurs qui inondent nos sociétés, on accueille avec beaucoup de plaisir Supermaculture dont l’optimisme forcené nous rappelle celui de Candide qui sous la plume de Voltaire concluait ainsi : « il faut cultiver notre jardin ».
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
Le site du jeu (et aussi pour le commander)
La règle de Supermaculture en français
Rédacteur de l’article : Arthur
Informations destinées aux personnes avec un handicap
En complément à nos articles, nous transmettons ci-dessous des précisions destinées aux personnes présentant une atteinte à la santé (visuelle, auditive ou déficience intellectuelle) :
– Ce jeu semble ne présenter aucune limitation particulière.