Mais quelle chaleur ! Et tous ces appareils électriques qui tournent en permanence et qui réchauffent encore les allées du parc. Ils disent que c’est pour notre sécurité ! Mais on a un peu de mal à les croire. Même si leur concept est novateur et plutôt original, on pourrait penser que ces dinosaures sont sous tranquillisants. D’ailleurs, point de machines en fonction aux abords de l’enclos des Tyrannosaures. Ah ! Je le savais… les gens de la sécurité nous baratinent avec leurs mesures de précaution. Puisque personne ne me regarde et que visiblement, rien n’est électrifié, allons faire un tour dans l’enclos ! Je le savais, il n’y a rien de bien terrifiant. Il y a même des projecteurs pour les animations de nuit. Je le savais. Je le savais, ils se fichent de nous ! Et maintenant, voilà qu’ils émettent des sons dans les haut-parleurs sans doute cachés derrière les fougères ! Ils nous prennent pour des… Hmmm, drôle d’odeur. On dirait de la viande avariée. Et c’est quoi cet œil qui me regarde fixement derrière ces hauts arbres ? La petite visite improvisée n’était peut-être pas une très bonne idée. Hô non ! Il s’avance ! Hô non, non… Puis on entendit dans les émetteurs radio des gardiens : « À tour de contrôle. Incident mortel en secteur 8. Fermez les grilles ! » (…)
Tout le monde sait qu’on ne plaisante pas avec un Tyrannosaure ! C’est écrit dans tous les manuels de survie. Alors forcément, quand on a aperçu une boîte de jeu pointer à l’horizon, avec son dino aux couleurs rosâtres, cela a éveillé notre attention. Financé en mars 2017 via Kickstarter, le jeu est issu des studios texans de Pandasaurus Games. Un éditeur qui, pour ce titre, a fait appel aux auteurs Jonathan Gilmour et Brian Lewis. Jonathan Gilmour qui n’est autre que le papa de Dead of Winter ! D’ailleurs, et pour l’anecdote, les deux compères vont prochainement refaire parler d’eux avec le troisième opus de la série des jeux « Mint », Mint Cooperative.
Mais pour l’heure, ce qui nous intéresse, ce sont bien les dinosaures roses ! A ce propos, lors de sa sortie, l’esthétique du jeu avait passablement surpris. Qu’à cela ne tienne car le succès a bien été au rendez-vous. A présent, Dinosaur Island arrive en français avec une localisation réalisée avec brio par le studio EDGE. Un opus qui nous promet donc sa dose de T-Rex mais dans la langue de Molière, pour un à quatre joueurs et des parties pouvant aller, dans sa configuration maximale, jusqu’à 120 minutes.
Maintenant que vous avez enfilé votre chapeau d’aventurier, il faudra prouver que vous avez l’âme d’un entrepreneur. Car oui, dans Dinosaur Island, vous serez en charge de bâtir le parc d’attraction le plus attrayant du secteur. Et avec des dinos ! Vous recueillerez de l’ADN, vous ferez des recherches pour avoir de beaux et effrayants spécimens, vous bâtirez votre parc, vous gérerez la sécurité, vous attirerez les visiteurs… Et qui sait, vous éviterez – peut-être – que certains ne soient dévorés ? Opportunités, gestion de ressources, jeu de dés, placement d’ouvriers, c’est une vraie salade ludique à la sauce jurassic qui vous attend.
Sans plus tarder, on vous dit tout sur Dinosaur Island. Cramponnez-vous à votre siège, c’est parti !
Un jeu de diplo…
Vous voilà à la tête de votre parc d’attraction. Heureux entrepreneur que vous êtes ! Le joueur qui aura totalisé le plus de points de victoire en fin de partie… l’emporte.
Un tour de jeu de Dinosaur Island se décompose en quatre phases. Vous commencez par utiliser vos trois scientifiques. Chacun pourra soit récupérer des fragments d’ADN sur les faces des différents dés, s’emparer d’un projet de création de dinosaure ou conserver un scientifique pour l’utiliser plus tard comme un ouvrier.
La deuxième phase du jeu vous permet d’effectuer vos petites emplettes. Moyennant des pièces de monnaie, vous pourrez acheter des tuiles d’amélioration pour votre laboratoire avec de nouveau effets, des attractions pour votre parc, ou recourir au service de spécialistes qui procurent différents avantages. La troisième phase du jeu se déroule dans votre laboratoire. Différents ouvriers sont à votre disposition – tout comme les spécialistes que vous aurez éventuellement conservés – pour effectuer des actions. Ainsi, vous pourrez créer des dinosaures pour les ajouter à votre parc, augmenter votre niveau de sécurité, récupérer de l’argent, échanger de l’ADN, etc. A chaque fois que vous intégrez un dinosaure dans votre parc, vous faites grimper l’excitation des visiteurs, vous gagnez des points de victoire et vous augmentez le niveau risque.
Pour la dernière phase, vous récupérez des meeples visiteurs en fonction du niveau d’excitation de vos visiteurs. Chaque visiteur sera placé sur les attractions de votre parc et vous rapportera des points de victoire. En revanche, si votre niveau de sécurité n’est pas au moins égal à votre niveau de risque, des dinosaures s’échappent de leurs enclos, dévorent vos visiteurs et vous perdez des points de victoire. Puis, un nouveau tour de jeu commence.
En début de partie, différents objectifs sont révélés et le jeu prend fin quand un certain nombre sont accomplis par les joueurs. Chaque objectif rapporte également des points de victoire.
A noter encore que les objectifs permettent de choisir le temps de partie. Court, moyen ou long, c’est à vous de décider. Tout comme il sera encore possible de faire varier les règles grâce à des cartes qui modifient le cours du jeu.
Le jurassic voit la vie en rose
A la lourdeur de la boîte et avant de l’ouvrir, on se demanderait presque s’il n’y a pas de véritables œufs de dinosaures à l’intérieur ! En tous cas, c’est un opus bien rempli avec une bonne dose de matériel qui nous attend avec Dinosaur Island. A l’intérieur, on retrouve plus de 230 cubes et meeples en plastique dont les fameux dinosaures roses, une brouette de jetons en carton, 89 cartes, de gros dés translucides en plastique, plus d’une dizaine de plateaux, de nombreuses tuiles, un grand sac en tissu et le livret des règles. La production a été particulièrement soignée avec des composants en carton bien épais. Le sac en tissu est vraiment grand, donc facile à manipuler et les grands dés sont de toute beauté. Mention spéciale pour les plateaux de joueurs en double-couche et dont l’utilisation en est ainsi facilitée. Voilà une production qui nous fait plaisir et comme on aimerait en retrouver plus souvent. Il ne manquerait plus qu’un terrible rugissement à l’ouverture de la boîte !
Dans Dinosaur Island, nous sommes véritablement dans un parc à thème. Ainsi, on retrouve bien l’univers des dinosaures qui a été exploité de manière plutôt plaisante. Des meepl’osaures personnalisés, mais aussi les dés qui rappellent les cristaux d’ambre, ou encore les nombreuses illustrations de ces charmantes bébêtes sur les composants du jeu. Il y a même pour chaque joueur un nom et un logo spécifique à chaque entreprise. L’éditeur a soigné les détails de la thématique !
En revanche, là où le thème pourrait en interpeller quelques-uns, c’est bien avec les illustrations. Le rendu se veut plutôt atypique avec des couleurs vives et pas du tout celles dont on s’attend en évoquant ces créatures du jurassic. Nous, on a bien aimé parce que cela change de l’ordinaire et que l’ensemble suit une certaine cohérence graphique de A à Z. Mais comme toujours, cet aspect se veut plutôt personnel et subjectif et on sait que déjà lors de la sortie KS, cet aspect avait divisé les uns et les autres. Donc, chacun ses goûts.
Au niveau de la règle, on se retrouve avec un bon petit feuillet de XXX pages. Les textes sont écrits en gros caractères et tous les aspects du jeu y sont décrits de manière à pouvoir y jouer sans trop de difficulté. On a relevé quelques petites imprécisions, notamment avec les cartes de spécialistes qui étaient parfois sujettes à interprétation. Sachez néanmoins qu’une FAQ est disponible en ligne; pour l’instant uniquement en anglais. Cependant, on vous rassure, tout y est pour que vous puissiez débuter rapidement une première partie.
Et justement, parlons-en de cette première partie. Une jungle bien humide et des rugissements dans le lointain… ça y est, vous allez pouvoir vous y mettre sérieusement ! Après la lecture de la règle, vous aurez bon nombre d’infos en tête. Mais Dinosaur Island découpe son tour de jeu en quatre phases bien distinctes. Et c’est une très bonne chose pour votre première partie car vous pourrez comprendre le jeu par étapes. Une fois les quatre phases effectuées, on cerne bien les tenants et les aboutissants de la partie. Alors, et après ce premier tour, les stratégies et la construction du moteur de jeu peuvent sans souci se mettre en place. On se retrouve donc avec une prise en main plutôt agréable et rapide pour un titre dont le volume d’infos à absorber est quand même bien présent.
On en aurait presque omis de vous parler du setup, mais comptez une petite dizaine de minutes pour la mise en place qui consiste principalement à brasser cartes et tuiles et à distribuer le matériel à la couleur des joueurs. Pour ce type de jeu, on pourrait vous suggérer un insert, histoire d’avoir le matériel correctement trié.
Dans les mécanismes, on retrouve principalement la création d’un moteur de jeu que les différents protagonistes devront mettre en place. L’anticipation sur plusieurs tours sera légion avec différents paramètres à gérer. L’ADN va permettre de créer des dinosaures, lesquels vont générer l’excitation des visiteurs, mais aussi du danger, des enclos seront nécessaires, des attractions pour compléter l’ensemble, etc. C’est donc tout un enchaînement et des combos qui devront rugir à la perfection. Parole de T-Rex ! En outre, sur chaque plateau (et donc à chaque phase) on retrouve différentes particularités en matière de gameplay. Tantôt du jet de dés, du positionnement de tuiles, du placement d’ouvriers, de la gestion de ressources et de la collection d’ensemble. Un mélange très cohérent, qui fonctionne bien et qui colle à la thématique d’un développement de parc d’attraction. En revanche, le gameplay implique un certain niveau et on ne mettra pas Dinosaur Island dans les mains d’un joueur débutant. Nous sommes sur un titre destiné à des joueurs habitués avec tout le sel et le piment de mécanismes travaillés que les passionnés apprécient. Même si on peut quand même trouver des jeux encore plus exigeants car en définitif, un joueur aguerri n’aura aucun mal à assimiler le règlement. Cela dit et dans tous les cas, il faut aimer poser de l’ouvrier et pousser du cube, ou plutôt du dino…
On vous le disait, les tours de jeu sont découpés en quatre phases. Et chaque phase se déroule sur un plateau différent. Ainsi, c’est une gestion bien agréable du tour de jeu avec des séquences clairement définies. Tout cela pour dire que le temps d’attente est plutôt minime. On joue des actions à tour de rôle, on passe à la phase suivante, on effectue des actions chacun son tour puis on rejoue tous en même temps etc. On a bien aimé cette façon de faire qui rythme efficacement la partie.
La quantité de matériel va permettre un bon renouvellement des parties. En effet, bon nombre de composants ne sont pas entièrement utilisés pendant une partie. Comme les projets de dinosaures, les améliorations de laboratoire, les cartes de spécialistes ou même les objectifs. Et puis, l’éditeur a eu la sympathique idée de proposer des cartes, que l’on peut piocher en début de partie, et qui vont modifier certaines règles du jeu, uniquement pour cette partie. Ce petit truc-là, on adore ! Ainsi, aucun souci à se faire pour le renouvellement des parties; vous en avez pour des heures de jeu.
Un mot encore sur l’interaction. Très peu présente dans Dinosaur Island, vous serez avant tout affairé à développer votre parc. Bien sûr, le jeu va quand même vous proposer de quoi taquiner le voisinage avec les placements des spécialistes ou pendant la phase de marché. Mais globalement, ne vous attendez pas à un titre hautement interactif. Ce qui d’ailleurs n’est nullement un problème sur ce type de jeu et de gameplay. Certains opus impliquent de « construire » sa petite stratégie, seul sur son plateau, et Dinosaur Island est justement un de ces jeux.
En définitif, on garde certes l’odeur de la viande fraîche et d’un parc d’attraction bucolique pour les velociraptors… mais pas uniquement. Dinosaur Island, aura su nous convaincre par sa bonne accessibilité et par son gameplay très travaillé. Plaisant du début à la fin ! Et il ne faut vraiment rien lâcher car les parties sont tendues et les scores sont serrés. Pour la petite anecdote, nous avons terminé une partie à égalité entre deux joueurs et nous nous sommes départagés avec une seule pièce de monnaie de différence. C’est dire ! Pendant tout le jeu, on utilise différents mécanismes et même des prises de risque avec les projets des dinosaures qu’on sélectionne. Va-t-on réussir à créer tout ces spécimens, au risque de se faire pénaliser en toute fin ? Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de place pour la chance et tout doit être réfléchi, optimisé. L’opportunisme se présente régulièrement pendant les parties et il faudra saisir sa chance. Même si les vilains tricératops vous guettent du coin de l’œil. On gardera juste une petite déception du jeu avec le simple placement, puis enlèvement des visiteurs en fin de tour, pour marquer des points de victoire. Mais cela, c’est juste pour trouver quelque chose à redire car notre envie de rejouer les John Hammond (NDLR : Dans le film, le créateur de Jurassic Parc) est finalement bien présente.
Objectif solo !
On vous le disait, Dinosaur Island peut aussi être joué en solo. Et les habitués du genre auront sans doute déjà compris que le mode de jeu pour un joueur s’avère plutôt alléchant. En effet, l’éditeur a eu l’excellente idée de créer des composants spécifiquement destinés à cette configuration avec notamment un deck de cartes d’objectifs. Car la principale différence avec le mode multi-joueurs consiste en l’accomplissement de ces objectifs, lesquels vont contribuer à rapporter des points de victoire.
En solo, il n’y a malheureusement pas de personnage non joueur ou d’IA qui va simuler un adversaire. Non, il faudra simplement battre son propre score. D’habitude, on n’est pas très emballé par cela mais pour Dinosaur Island, il y a quand même un sacré challenge avec ce mode de jeu bien complet et l’ensemble nous a vraiment intéressés. Même si personne ne cherche à contrecarrer nos plans, le jeu nous donne réellement du fil à retordre. Les différents objectifs à atteindre ne sont pas toujours évidents et la partie est rythmée dans nos choix, par leurs accomplissements.
Tout le sel de la partie solo est de gérer convenablement le parc, la création des bébêtes, la sécurité et surtout, d’anticiper l’accomplissement de ces fameux objectifs. Il faut réfléchir plusieurs tours à l’avance et bien entendu, optimiser ses actions. Tout cela dans une certaine mesure car une petite part d’aléatoire viendra se glisser dans la partie avec par exemple, certains dés ou certaines tuiles de dinosaures qui seront retirés en cours de jeu.
Les objectifs vont fonctionner comme « compteur », avec sept tours à effectuer durant une partie solo. A noter que si vous trouvez l’ensemble un peu long, rien ne vous empêche de ne sélectionner que six ou cinq objectifs et de raccourcir votre expérience de jeu.
Dernier point encore, et peut-être un élément manquant de cette version solo, l’absence de points de repère au niveau du scoring. D’accord il convient de battre son propre score mais nous n’avons pas de références pour savoir si notre résultat est mauvais, passable, moyen, bon ou même excellent. Ce n’est pas grand chose mais on apprécie de flatter notre égo. Alors sachez qu’entre 100 et 110 points, vous devriez vous trouver dans la moyenne, d’après différents retours de joueurs qu’il nous a été donné de lire.
Au final, cette version solo n’a rien de novateur au niveau du gameplay. Mais les mécanismes fonctionnent bien tous ensemble et sont efficaces. Le thème est original, la ligne graphique sort vraiment de l’ordinaire et le challenge est présent. Même si on aurait sans doute pu aller plus loin avec ces objectifs… La variété des parties reste néanmoins forte – comme en multi-joueurs – et en définitif, on garde une bonne impression de ce mode pour 1 joueur. On y rejouera encore c’est certain ! Et on a même pas peur de se faire manger.
En solo ou en multi, c’est donc une excellente expérience ludique avec un titre qui a su tenir ses promesses. Un bon gros jeu qui nous aura plus par ses mécanismes travaillés et exigeants, avec un thème qui nous accompagne agréablement tout du long. Dinosaur Island, un opus qui trouvera donc sa place dans toutes les ludothèques des joueurs avertis ou chez les paléontologues amoureux des couleurs vives. On vous laisse choisir dans quelle catégorie vous préférez vous définir.
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La fiche du jeu sur Board Game Geek
Le site de l’éditeur Pandasaurus Games
Le site de EDGE
Rédacteur de l’article : Léo
Informations destinées aux personnes avec un handicap
En complément à nos articles, nous transmettons ci-dessous des précisions destinées aux personnes présentant une atteinte à la santé (visuelle, auditive ou déficience intellectuelle) :
– Ce jeu présente une règle complexe et semble peu compatible avec une déficience intellectuelle.
– Ce jeu demande une bonne capacité de réflexion et semble peu compatible avec une déficience intellectuelle.
– Ce jeu semble ne présenter aucune autre limitation particulière.