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Leaving Earth, le jeu ultime pour la conquête de l’Espace ?

par jeudeclick
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Leaving Earth, le jeu ultime pour la conquête de l’Espace

« Contrôle… nous procédons à présent au brassage des bonbonnes d’oxygène et on se prépare à initier la manœuvre de retournement du module spatial pour une descente vers Cérès. Tous les paramètres sont nominaux. Le moteur Atlas sera allumé pour la poussée pendant sept secondes, dans trois, deux, un… allumage ! Grzz… grzz… grzz… Opération réussie Contrôle ! Nous sommes désormais en position à 47’500 pieds, alignés sur le site de posée. Nous restons dans l’attente des données pour l’atterrissage. Prochain point contact dans trois heures. Ici ISS Aldrin, communication terminée ! »

L’espace ! Une épopée fabuleuse qui a intrigué et passionné, depuis les débuts de l’humanité. A la fois guide, dieu vivant ou terrain d’exploration, le « spatial » a marqué au cœur, l’ensemble de l’histoire de l’humanité. Et pourtant, il aura fallu attendre le vingtième siècle pour que l’homme se lance dans la conquête de l’espace. C’est justement sur ce thème que nous vous proposons d’embarquer avec nous à bord d’une des toutes premières capsules. Attachez votre ceinture, le décollage est imminent…

Alors que nous rédigeons ces lignes pour vous parler de Leaving Earth, le jeu n’est disponible qu’en anglais. Produit de manière artisanale aux États-Unis par Lumenaris Games, l’opus reste indisponible en Europe. Autant vous dire immédiatement que vous n’aurez que peu de chance – en l’état actuel – de retrouver une telle boîte de jeu dans votre ludothèque. Sauf si bien sûr, vous en possédez déjà une.

Prévue pour un à quatre joueurs, la boîte de base de Leaving Earth propose des parties d’une durée minimale de deux heures. Le titre est annoncé comme étant accessible à partir de 15 ans; éventuellement un peu moins, mais le système de jeu nécessite tout de même d’être un « gamer » aguerri. Si Leaving Earth se pratique évidemment en multi-joueurs, nous nous consacrerons essentiellement à sa pratique en solo dans le cadre de cet article. Vous voilà prévenus ! Cela dit, la règle ne change absolument pas; seul le ressenti de l’expérience de jeu peut être différent. De notre point de vue, c’est en solitaire que Leaving Earth déploie toute sa saveur.

Mais finalement, de quoi sera-t’il question dans cet opus plutôt atypique ? Chaque joueur sera aux commandes de son agence spatiale. Diverses missions seront disponibles et les joueurs devront marquer un maximum de points de victoire pour remporter la partie qui s’étale de 1956 à 1976. Dans ce jeu de cartes, chacun devra développer les technologies inhérentes à la conquête spatiale, acheter les équipements, effectuer des tests et voyager dans notre système solaire. Mais aussi et surtout, et c’est là que se trouve tout le cœur du jeu, effectuer les calculs de masse et de poussée des fusées pour qu’elles puissent atteindre leur distension. Un jeu à la croisée entre exercice mathématique, planification stratégique et bien sûr, jeu de gestion !

Vous allez en prendre plein les… orbites !

A la tête de votre agence spatiale, vous devez effectuer des missions, parmi huit révélées au hasard en début de partie. Par exemple, mettre une capsule spatiale en orbite terrestre, amener un astronaute sur la Lune et revenir sur Terre, ou encore amener une sonde d’exploration sur l’orbite de Venus. Chaque mission rapporte des points de victoire et comporte différents niveaux de difficultés. Nous sommes en 1956 et en 1976 la partie sera terminée. A la fin, si vous disposez de plus de la moitié des points de victoire totaux en jeu, vous gagnez !

Au début de chaque tour, qui représente aussi « 1 année », vous recevez 25 Mio de dollars. C’est la dotation que vous alloue votre gouvernement pour développer votre programme. Ensuite, et à chaque début d’année, vous vérifiez si l’une des missions a été accomplie puis, vous passez à la phase d’action. Durant cette phase, vous effectuez autant d’actions que souhaité et dans n’importe quel ordre. Ainsi, vous pouvez faire de la recherche en achetant des cartes qui débloqueront de nouvelles technologies telles que la rentrée dans l’atmosphère, les fusées de propulsion de type Saturn, l’amarrage d’astronef, etc. Vous pouvez aussi acheter des composants comme diverses fusées, des sondes spatiales, des capsules, des vivres, mais aussi engager des astronautes. Bien sûr vous pouvez aussi assembler des composants pour débuter un voyage spatial. Et le lancer ! En vol, vous pouvez effectuer des manœuvres et explorer les différents secteurs de la galaxie. Mais vous pouvez encore décider de faire atterrir vos engins spéciaux et collecter du minerais. Quand vous n’avez plus d’argent ou que vous ne souhaitez plus effectuer d’action, vous déclenchez les quelques petites étapes de fin de tour et vous débutez une nouvelle année. A la fin de l’année 1976, le jeu se termine.

Arrêtons-nous à présent sur le cœur du jeu, c’est-à-dire la planification de vos voyages dans l’espace. Quand vous avez choisi une ou plusieurs missions à accomplir, il faut alors définir les composants que vous devrez réunir sur votre lanceur, ceci avant même d’imaginer les acheter. Si une mission vous demande de mettre une capsule en orbite, il faudra avoir assez de poussée. Chaque secteur de l’espace va ainsi demander que vous utilisiez des cartes de fusées qui propulsera la masse totale de votre engin spatial. Chaque secteur comprend aussi un niveau de difficulté pour effectuer la manœuvre et pour chaque étape il faudra calculer la poussée nécessaire avec le calcul « masse totale x niveau de difficulté = poussée nécessaire ». Mais certains voyages seront tellement éloignés de la Terre que vous ne pourrez pas les accomplir en un seul trajet. Vous aurez alors besoin de plusieurs lanceurs ou de délaisser certains composants en vol. Ce sera à vous de trouver la solution ! Et chaque partie impliquera d’effectuer entre trois et sept missions pour espérer remporter le jeu. Vous allez transpirer !

Bien sûr il ne s’agit là que d’un bref aperçu du jeu. Leaving Earth se veut nettement plus riche et plus complexe encore. Vous devrez faire face à des phases de tests avant de lancer vos composants en orbite. Des pannes pourront survenir mais vos astronautes disposent de compétences particulières. Les radiations solaires viendront encore perturber vos plans et le facteur temps pour les voyages dans l’espace sera aussi à prendre en considération. Certaines manœuvres pourront également s’effectuer de manière plus lente ou plus rapide. Il faudra gérer les vivres et collecter des échantillons. Etc…

Ouuuh, ma tête ! Saturne !

Vous l’aurez compris, Leaving Earth n’est pas un « petit jeu ». Pourtant, sa boîte n’est pas très volumineuse. Une fois en main, on serait presque à se demander si ce n’est pas une douce blague. L’emballage ressemble à une boîte à chaussures et il faut même découper le visuel du packaging pour ouvrir la boîte ! A l’intérieur, on retrouve surtout une pléthore de cartes. Des cartes en veux-tu, en voilà ! Pas moins de 360 sont disponibles dans la boîte, et ce en différents formats. On retrouve encore des tokens en bois à l’effigie de vaisseaux ou de petits sabliers. Mais encore des billets de banque en papier, un dé et le fameux livret des règles.

Ouvrons immédiatement un important aparté sur la qualité du matériel et sur la production du jeu. Précisons immédiatement que la boîte de base de Leaving Earth est vendue aux environs de cinquante dollars US sur le site de l’éditeur. Pour un jeu composé essentiellement de cartes et de quelques marqueurs en bois, on s’attend donc à une production galactiquement surprenante. Et c’est le cas ! Mais pas dans le sens que vous imaginez. Pour bien comprendre, il y a lieu de vous préciser que ce jeu n’est pas produit en Asie. Ni même en Pologne ou en Allemagne. Et encore moins dans une usine. Non ! L’éditeur Lumenaris Games a voulu conserver la production du jeu sur sol américain. Mieux encore (ou pire c’est selon), l’éditeur a tenu à fabriquer lui-même son jeu. Et aussi surprenant que cela puisse paraître, on se retrouve donc avec une production artisanale, totalement assumée et même revendiquée par l’éditeur. Les cartes sont coupées avec de petits massicots, les jetons en bois sont sculptés au lazer-cut et on n’ose même pas imaginer comment est assemblée la règle du jeu. Il est donc presque impossible de comparer ce jeu à une production industrielle provenant par exemple d’une usine asiatique. A ce propos, on peut tout à fait comprendre que certains joueurs seront décontenancés par le rapport qualité/prix du jeu. Cependant, on précise tout de même que pour nous, la production de Leaving Earth ne manque pas de charme et d’originalité. On retrouve clairement les composants d’un jeu « fait main ». Cela ne manque pas de caractère ! On aurait même tendance à apprécier très fortement le charme qui se dégage de cette petite boîte à chaussure. Mais dans tous les cas, les composants assurent correctement tout ce dont vous avez besoin pour jouer. À vous de voir si le côté artisanal vous convient et si y mettre le prix ne vous dérange pas. Nous on a apprécié, c’est certain !

En revanche, là où le jeu ne devrait pas faire débat, c’est bien sur des visuels ! Un petit côté rétro, simple mais épuré. Des cartes de secteurs très travaillées avec de beaux visuels de l’espace et une formidable ambiance qui se dégage de l’ensemble ! Niveau immersion, on en prend plein les yeux et les illustrations sont véritablement réussies. La direction artistique est exploitée à merveille et nous permet ainsi une forte immersion dans la thématique.

D’ailleurs, parlons-en de cette thématique ! Souvent, lorsqu’on aborde le thème de l’Espace, cela nous est proposé avec beaucoup de légèreté. Ou alors il nous manque toujours quelque chose pour pousser le réalisme. Avec cet opus, on monte encore d’un cran dans le réalisme de la conquête spatiale simulée sur plateau. Être aux commandes de son agence est une chose, mais là, il faut gérer son budget, acheter les composants et assembler son lanceur. Et c’est à partir de ce moment que le jeu nous propose d’augmenter l’immersion thématique. En effet, il faudra alors tester les lanceurs et surtout, planifier son voyage en calculant les poussées nécessaires pour chaque avancée dans l’espace. Et les paramètres tels que les radiations du soleil ou encore le facteur temps vont intervenir dans l’équation. Le tout, sublimé par les illustrations qui vont procurer une ambiance de jeu tout à fait unique. C’est captivant et terriblement immersif; on adore ! Le thème a été admirablement traité puis retranscrit tant sur les visuels que sur le gameplay. Peu de jeux arrivent à un tel niveau.

Mais avant toute chose, votre voyage vers des planètes inconnues débute par la lecture de la règle du jeu. Et là, encore une fois, on sort des sentiers battus. Le livret d’instruction se présente au format A5 et comporte pas moins de 60 pages. Nuançons tout de même le propos car le livret des règles ne ressemble en rien à ce que vous connaissez ou à ce que nous pourrions attendre d’un livret de jeu. Du texte écrit « à la volée », de type Word et bien sûr uniquement en noir et blanc. Ce n’est certes pas très sexy mais cela ne manque pas d’efficacité, surtout que le texte dispose d’un bon interlignage et que finalement, les règles sont plutôt vite lues. Les instructions sont par ailleurs bien expliquées avec une première présentation générale, de nombreux exemples, des termes correctement choisis et compréhensibles. Et il y a même des illustrations… en noir et blanc bien sûr ! Mais au final, c’est agréable.

Soyons francs, la mise en place de Leaving Earth vous prendra tout de même un peu de temps. Rien de compliqué mais vous devrez préalablement assembler les cartes du système solaire dans le bon ordre puis disposer les nombreux decks et cartes sur l’aire de jeu. Sachez qu’il existe une solution de rangement permettant de gagner un temps précieux. Dans tous les cas, trier correctement les nombreuses cartes représente la première étape de votre voyage dans les étoiles.

La règle a été lue et assimilée, le jeu est en place; ça y est vous pouvez vous lancer dans votre première partie. Décollage ! En ce qui concerne le tour de jeu, il n’y a rien de compliqué; vous recevez des crédits et vous jouez autant d’actions que vous pouvez ou que vous souhaitez. C’est à la portée de tous. Cependant, lors d’une première partie, le challenge principal consistera essentiellement à comprendre le calcul de poussée des masses, et de le mettre en application. Et qui plus est, en sens inverse ! Là se trouve le cœur du jeu. Chez certain, l’apprentissage de cette mécanique se fera de manière très aisée et pour d’autres, comptez deux ou trois mises en application. De notre point de vue, le calcul en lui-même ne représente pas un réel obstacle. En revanche, c’est surtout sa mise en application, sur plusieurs segments d’espace, qui va constituer un véritable apprentissage. Mais comme le jeu comporte des missions avec trois niveaux de difficultés – de simple à difficile – vous pourrez apprendre de manière crescendo. Et même en admirant la Terre vue de l’espace.

Les mécanismes employés dans ce jeu de gestion qu’est Leaving Earth, sont assez simples mais c’est leurs applications qui vont vous donner du fil à retordre. Ainsi, la programmation représente l’élément central du gameplay. Vous passez sans doute autant de temps à programmer une ou plusieurs missions, qu’à manipuler et déplacer les composants du jeu. Un voyage dans l’espace, cela ne s’improvise pas ! Vous devrez aussi utiliser des mécanismes de développement, de combos et de gestion de main de cartes; cependant dans une proportion relativement faible. Le tout, en gardant à l’esprit que plusieurs missions devront s’entrelacer et s’effectuer de concert car le temps joue contre vous. En 1976, la partie sera belle est bien finie !

Mais là où le jeu va vous pousser dans vos derniers retranchements et va vous faire chauffer les méninges, c’est bien avec les missions longues distances. Autant il ne sera pas trop complexe d’envoyer une capsule sur l’orbite terrestre, autant vous pouvez imaginer qu’envoyer un homme sur Mars et de le faire revenir sur Terre n’est pas une mince affaire. Entre la fusée principale à envoyer, éventuellement une ou deux autres pour les ravitaillements en carburant et en vivres, les calculs, les possibles déposes de matériels, et même les autres missions à planifier en simultané, vous allez littéralement transpirer ! Un opus qui s’adresse donc à des joueurs qui en ont sous le chapeau…

La rejouabilité de Leaving Earth repose essentiellement sur les différentes missions qui sont piochées au hasard en début de partie. L’association des mises en œuvre de ces missions donnera un visage différent à chaque partie. Ainsi, vous aurez parfois besoin de certaines technologies et non d’autres. Idem pour certains composants qui devront être assemblés sur le lanceur. Mais ce n’est pas tout, car le jeu propose aussi diverses cartes en plusieurs exemplaires lesquelles apporteront différents changements en cours de partie. Cela ce concrétise avec les surfaces des différentes planètes; parfois accessibles, parfois totalement hostiles à la vie humaine. La même chose avec les rayonnements solaires qui ne seront pas pareils d’une partie à l’autre et qui impliqueront même une très légère part de hasard. D’ailleurs, c’est la seule part de hasard que propose le jeu.

Au final, vous l’aurez compris, Leaving Earth propose à chaque fois une expérience de jeu bien renouvelée. Et pour ceux qui en voudraient encore plus, sachez que l’éditeur propose deux extensions qui vont enrichir une expérience de jeu déjà très étendue. L’arrivée de nouvelles planètes, de nouvelles zones de l’espace encore inexplorées, de nouveaux composants, de nouvelles technologies et de nouveaux mécanismes feront leur apparition.

En revanche, et nous l’avons déjà évoqué, le gros « point noir » de Leaving Earth – à l’heure où nous rédigeons ces lignes – c’est bien le fait de pouvoir faire l’acquisition d’une boîte de jeu. L’opus reste difficilement trouvable en Europe. Ou alors avec un prix d’expédition très élevé. Sinon on pourrait facilement affirmer que ce titre devrait faire partie de toutes les bonnes ludothèques des joueurs qui apprécient les titres complexes. Et qui n’ont pas peur de jouer pendant quelques heures ! Car derrière ses mécanismes de jeu bien pensés et travaillés, se cache une petite pépite ludique, presque débarquée d’une autre planète. C’est de circonstance, vous ne trouvez pas ? Les sensations de jeu sont excellentes; on plonge dans le thème à une vitesse folle et les mécanismes n’en restent pas moins captivants. Les parties sont vraiment intenses et une erreur de calcul peut se payer cher. Pour nous, cette petite boîte représente tout ce qu’on peut attendre d’un jeu de société destiné à des joueurs exigeants. C’est un concentré de points positifs qui nous permettent de hisser Leaving Earth sur les plus hautes marches de notre classement ludique. Et si vous pensez que nos mots sont peut-être un peu exagérés, faites-en une petite partie…

A french Board game…

On terminera ce sujet pour évoquer avec vous une éventuelle traduction du titre dans la langue de Molière. On le sait, certains éditeurs lisent nos sujets et comme nous évoquons de temps à autre des jeux qui ne sont pas encore localisés sur le marché européen ou francophone, cela se traduit parfois par une localisation du jeu en français et une disponibilité en boutiques.

Dans le cas présent, nous aimerions insister sur le fait que ce jeu a été conçu pour être une production artisanale. Bien sûr, certains joueurs ont « grogné » en ouvrant une boîte un peu légère, puis en constatant que les jetons en bois étaient découpés de manière artisanale et même, que certains n‘étaient pas colorés avec les mêmes tons. Sans oublier la règle qui ne ressemble à aucune autre. Mais pour nous, c’est justement ce qui fait que Leaving Earth se démarque et sort des sentiers battus. Le jeu a une âme, du caractère et on imagine bien un travail humain derrière chaque petit composant. Et non un procédé mécanique pour la production du jeu. C’est tout ce qui en fait son charme !

Dès lors, si une localisation devait se faire, on ose espérer que tout ce côté « artisanal » sera préservé et maintenu. Bien sûr cela complique et rend peut être le procédé irréaliste, mais mécaniser la création des composants de ce jeu, serait pour nous une faute de goût; une erreur. A présent, reprenons notre périple vers les confins de la galaxie et préparons un voyage retour en direction de la planète bleue…

Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.

La règle du jeu en français
Le fiche de Leaving Earth sur Board Game Geek
Une partie de Leaving Earth dans la Zone Jeux de Société
Le site de l’éditeur Lumenaris

Rédacteur de l’article : Léo

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