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Freedom, en route vers la liberté !

par jeudeclick
Publié : Dernière mise à jour le 517 vues 17 minutes de lecture

Ici en Louisiane, le soleil tape fort. Il fait mal au crâne et rend la tâche pénible. Surtout pour nous qui sommes exploités dans ces immenses plantations. Je voulais un autre avenir pour ma femme et mes deux fils. Mais nous sommes noirs. Noirs de peau et esclaves des hommes blancs. Tout juste bons à récolter le coton sous les coups de bâtons de nos maîtres. Traités comme des sous-hommes, ce n’est pas une vie ! Mais il se murmure que les temps pourraient changer. Dans une exploitation voisine, certains seraient parvenus à s’enfuir vers le nord avec l’aide de complices. Est-ce que nous aussi pourrions avoir cette chance ? Au moins pour ma femme et mes enfants ! Le doux rêve d’un avenir meilleur me donne de la force et du courage…

Là où certains voyaient « le rêve américain », d’autres en avaient une vision moins bucolique. Retour en arrière, on rembobine la pellicule, pour faire un arrêt sur image, quelques années après la guerre d’indépendance qui aboutira sur la fondation des États-Unis d’Amérique. Début XIXème, l’esclavage y est courant mais cette pratique est déjà un vrai élément de discorde. A travers tous les états, de grands hommes, mais aussi des gens ordinaires, œuvreront de concert pour parvenir à l’abolition de l’esclavage, lors de la fin de la guerre de cession en 1865. Le mouvement abolitionniste sera donc actif durant des dizaines d’années avec des actions politiques mais aussi très concrètes, visant à libérer les esclaves. Des plantations du sud, toute une organisation se met en place pour amener les hommes vers la liberté, vers le Canada. Des « conducteurs » permettent aux esclaves de se déplacer et de dormir dans des « stations ». Un vrai langage codé autour de « l’underground railroad » qui explique cette dénomination du « chemin de fer clandestin ». Parce que oui, il s’agit bien du jeu « Freedom, le chemin de fer clandestin » dont il est question aujourd’hui.

On connaissait déjà l’opus « 1775 la Révolution américaine », une simulation historique retraçant cette période charnière de l’histoire américaine. Freedom, s’inscrit donc dans la chronologie de l’histoire pour nous parler, quelques années plus tard, de l’abolition de l’esclavage. Le jeu a été imaginé par l’éditeur américain Accademy Games (dixit Uwe et son vélo), qui en a fait un formidable outil ludique mais aussi pédagogique qui est d’ailleurs utilisé dans les écoles au pays de l’Oncle Sam, pour évoquer la thématique de l’esclavage. Dans les pays francophones, c’est l’éditeur Asyncron qui a décidé de localiser Freedom dans la langue de Molière. Une version française intégrale. Mais on voit déjà les connaisseurs crier au scandale pour dire que le jeu est épuisé et très difficile à dégoter. Alors, pas de panique, on peut déjà vous dire que cette année 2018 marquera la réimpression de Freedom par Asyncron. Et honnêtement, il était temps !

Concrètement, Freedom est un jeu de simulation historique, stratégique mais surtout, coopératif. Un opus pour un à quatre joueurs dans lequel il faudra jouer contre le jeu. Comptez un peu plus d’une heure par partie et une accessibilité du titre à partir de quatorze ans. Dans Freedom, vous incarnez des abolitionnistes cherchant à obtenir du soutien mais surtout, à libérer des plantations de coton, un nombre prédéfini d’esclaves, en les amenant jusqu’au Canada. Le nombre de tours de jeu sera limité et chacun devra faire face aux dangereux chasseurs d’esclaves, en mouvement perpétuel. A chaque tour de jeu, des cartes permettront d’influencer la partie mais aussi de retracer les éléments historiques du mouvement abolitionniste. Des émeutes de Farren à l’emblématique Abraham Lincoln, Freedom est une vraie expérience ludique. Sans plus tarder, on vous résume la règle et on vous fait part des éléments qui nous ont décidés à vous en parler.

Mais avant de vous en dire plus, regardons le contenu du jeu avec notre rubrique hyperlapse « Y’a Koi Dedans » !

Y’a Koi Dedans ?

Tout pour la cause !

Vous voici donc devenus des abolitionnistes tentant de mettre fin à l’esclavagisme. Avant le début de la partie, chaque joueur reçoit un rôle (une carte de personnage) ainsi qu’une fiche de rôle et 8 dollars.

Pour remporter la partie, les joueurs doivent parvenir à envoyer au Canada tous les esclaves (symbolisés par des cubes) dont le nombre figure sur la carte des conditions de victoire. Mais ce n’est pas tout ! Tous les joueurs devront également avoir acheté la totalité des jetons soutiens présents sur le plateau de jeu. Et finalement, il faudra encore terminer le tour sans perdre la partie. A contrario, tous les joueurs perdent s’il n’y a plus de cases disponibles pour mettre un nouveau cube esclave sur la carte des conditions de victoire ealors qu’au moins un cube esclave doit y être ajouté. Il est aussi possible de perdre si les joueurs ne gagnent pas avant la fin du huitième tour.

Chaque tour de jeu est composé de plusieurs phases. La première phase est celle des chasseurs d’esclaves. Un des 5 chasseurs d’esclave présents sur le plateau peut obtenir un tuyau sur la position de quelques fugitifs et s’y diriger pour tenter de les capturer. Les deux dés sont lancés et le chasseur d’esclave se déplace alors en fonction du résultat obtenu. A noter qu’en fonction du résultat d’un des deux dés, il se peut que le chasseur d’esclave ne se déplace pas à ce tour.

La deuxième phase est dite « phase d’organisation ». Elle permet aux joueurs de pouvoir prendre jusqu’à deux jetons présents sur le plateau de jeu. Au début de la partie, seule la première période (1800-1839) est active et les joueurs ne peuvent prendre des jetons que sur la colonne de la période active. Ils pourront prendre en cours de partie des jetons sur une autre période active. Il existe trois types de jetons. Les jetons de soutien, qui doivent tous être achetés à un moment ou l’autre de la partie. Ces derniers n’ont aucun effet mais représentent le soutien qui est apporté à la cause abolitionniste et qui permettra en finalité, l’abolition de l’esclavage. Il existe aussi les jetons conducteurs, qui permettront de déplacer les esclaves d’une ou plusieurs villes sur le plateau central. Et finalement, les jetons de levée de fonds, qui sont gratuits, et qui offriront une rémunération en dollars en fonction des esclaves placés soit dans des villes sudistes, soit dans des villes nordistes.

Lorsque tous les joueurs ont pris leurs jetons, la troisième phase, celle d’action, peut alors commencer. Chaque joueur exécute cette phase l’un après l’autre et peut effectuer plusieurs actions dans n’importe quel ordre. Il est alors possible d’utiliser les capacités de sa carte de rôle ou l’action spéciale de sa carte rôle. L’action spéciale ne peut être utilisée qu’une seule fois dans toute la partie. Le joueur actif peut aussi décider de jouer un premier jeton conducteur ou levée de fonds. En utilisant ces jetons, les actions s’effectuent immédiatement. Les esclaves sont alors déplacés sur le plateau de jeu où les dollars sont collectés par le joueur. Le joueur actif peut décider de jouer un second jeton conducteur ou levée de fonds. Il n’est pas possible de jouer cette action une troisième fois. Il est encore possible de passer son tour sans effectuer aucune action pour gagner quelques dollars. Et la dernière action possible est celle consistant en l’achat d’une carte abolitionniste et en l’application immédiate de son effet. Au fur et à mesure de la partie, différentes cartes sont disponibles à l’achat, et ces dernières vont être régulièrement renouvelées. Il existe trois types de cartes. Les cartes génériques disposant d’un simple effet. Les cartes spéciales qui disposent aussi d’un effet qui peuvent être conservées sur les fiches des personnages (une seule peut être conservée). Et finalement, les cartes d’opposition qui sont un frein à la cause Abolitionniste. Ces effets sont négatifs sur la partie et le seul moyen de s’en débarrasser est d’acheter la carte qui serait alors révélée. A noter que certains effets sont permanents tant que la carte est visible, et d’autres se déclenchent au moment de l’achat.

Arrêtons-nous rapidement sur le déplacement des esclaves sur le plateau de jeu. Tous les esclaves débutent leur périple depuis les plantations sudistes où ils s’y échappent grâce au soutien des abolitionnistes. Les différents effets présents dans le jeu vont permettre de déplacer ces cubes d’esclaves, par exemple trois cubes se déplacent d’une case ou deux cubes se déplacent de deux cases etc. A chaque fois qu’un esclave se trouve présent dans une ville comportant un montant en dollars indiqué sur le plateau de jeu, le joueur reçoit ce montant en pièces. Mais il se peut qu’en se déplaçant, les esclaves fassent aussi se déplacer les chasseurs d’esclaves. En effet, le plateau de jeu comporte des lignes aux couleurs des différents chasseurs. Si l’esclave s’arrête dans une ville traversée par l’une de ces lignes, il attire vers lui le chasseur de la même couleur. Il se peut donc qu’un chasseur d’esclave soit alors attiré sur la même case qu’un cube d’esclave. Ce dernier est alors immédiatement capturé et doit être considéré comme « perdu ».

La quatrième phase est celle du marché aux esclaves, durant laquelle de pauvres hommes sont vendus aux plantations sudistes. A chaque tour un nombre déterminé d’esclaves rejoindra les emplacements disponibles des plantations présentent au bas du plateau de jeu. Les esclaves qui ne pourraient pas rejoindre un emplacement libre d’une des plantations doit être considéré comme « perdu ». Lorsque tous les esclaves ont été posés, une nouvelle carte du marché aux esclaves est révélée. Cette carte indique le nombre d’esclaves qui rejoindront les plantations lors d’un prochain tour.

Et pour terminer, la dernière phase est la phase de la lanterne. Il s’agit là de préparer un nouveau tour de jeu. Les cartes abolitionnistes situées à droite de la file sont retirées et remplacées, on vérifie si les conditions de victoire sont remplies et si tel n’est pas le cas, un nouveau premier joueur (le meneur) est désigné et un nouveau tour commence.

Au plus tard à la fin du huitième tour, et dans tous les cas, le jeu s’arrête. Si les joueurs n’ont pas satisfait à toutes les conditions de victoire, la partie est définitivement perdue.

Du placement stratégique

La thématique n’était pas simple à aborder et à amener sur un « jeu », qui plus est, sur un jeu de plateau. On ne sait pas vous, mais de prime abord, le thème de l’esclavagisme ne donne pas vraiment envie de s’amuser ! Et le moins que l’on puisse dire c’est que « Freedom » a été merveilleusement travaillé pour aboutir sur un grand jeu ! Oui, un grand jeu ! Visuellement déjà avec un facing de la boîte qui nous plonge tout de suite dans l’ambiance. Des illustrations historiques, des dessins et un très beau plateau de jeu. Les visuels de Jarek Nocon et Steve Paschal sont pour nous très réussis. Et sans doute que ces deux illustrateurs ne vous sont pas totalement inconnus. En effet, Jarek Nocon et Steve Paschal ont déjà plusieurs titres à leur actif. Ils ont, entre autre, signés le graphisme de « 878 Vikings », « 1754 Conquest », « 1775 La révolution Américaine », « 1812 L’invasion du Canada » etc. Il était donc presque logique de les retrouver sur Freedom. Quand c’est bon, ne nous en privons pas !

Dépassons maintenant les aspects visuels et intéressons-nous au contenu. A l’intérieur de la boîte, on retrouve un matériel très soigné. Un grand plateau de jeu, une multitude de tokens en carton, des dés gravés, des cartes, des cartes de personnage et finalement, une bonne série de cubes en bois. Des cubes en bois brutes, relativement grands, du plus bel effet. Et sans oublier encore, l’indispensable livret de règles. Accademy Games, tout comme Asyncron, nous habituent régulièrement à des productions soignées et de qualité. Et « Freedom » n’échappe à la règle.

Les instructions de jeu tiennent sur huit pages, et le livret qui en comporte douze, regroupe aussi un explicatif des cartes ainsi que d’intéressantes informations historiques. Sur ce type de jeu, nous n’en n’attendions pas moins. Côté prise en main, la règle est particulièrement limpide et ne laisse pas de place à l’interprétation. Même s’il existe bon nombre de petites subtilités, les joueurs peuvent rapidement commencer leur première partie. Sur « Freedom », il faudra indubitablement composer avec une première partie de découverte. Néanoins, le titre nous donne une première impression très claire et on comprend immédiatement la finalité de la partie. Le jeu doit néanmoins se maitriser et implique une courbe d’apprentissage. Car oui, si la règle du jeu tient en théorie sur huit pages, l’opus est d’une difficulté relativement haute. Difficile en termes de victoire mais pas des plus compliqués à maîtriser.

Le tour de jeu a été pensé de façon très logique. Les chasseurs d’esclaves commencent par se déplacer, les joueurs peuvent ensuite s’organiser puis passer à l’action. Finalement, de nouveaux esclaves arrivent dans les plantations. In fine, on organise un nouveau tour de jeu. Cette logique offre donc une belle fluidité et fait de Freedom un jeu en mouvement constant.

Côté mécanismes de jeu, le titre utilise le placement comme élément central. Toute la difficulté sera de se positionner aux bons endroits et aux bons moments. En fonction du placement des chasseurs d’esclaves, certains passages vers le Canada vont se libérer. Il faudra donc prendre des risques et attirer les chasseurs d’un côté du plateau de jeu, puis de l’autre. En outre, la gestion de main est un deuxième mécanisme essentiel à la victoire. Dans ce jeu, les cartes ont une place centrale pour compléter les actions de bases. Des actions de base qui ne suffisent clairement pas à remporter la partie. Il faudra donc faire preuve de beaucoup de finesse pour acheter les cartes à bas coût et les utiliser de manière ciblée. Il y a là une petite part de chance à prendre en considération car les cartes sont piochées au hasard et certains effets vous seront plus utiles que d’autres en fonction de l’avancement de la partie. Néanmoins, étant donné que les cartes sont reparties par périodes, l’équilibrage du jeu reste optimum du début à la fin.

On vous le disait, les parties sont plutôt difficiles à gagner. Cela implique aussi plusieurs paramètres que les joueurs devront tenir compte s’ils veulent parvenir à leurs fins. Dans Freedom, la coordination entre les joueurs est la clé de la réussite. Il faudra communiquer pour se placer efficacement sur le terrain de jeu et utiliser les effets des cartes de manière conjointe. Vous devrez accepter de sacrifier des esclaves et planifier vos actions sur plusieurs tours. Cette planification peut se faire de manière assez pointue car vous connaissez, sur plusieurs tours futurs, le nombre d’esclaves qui arriveront dans les plantations. Et comme tout cela ne suffisait pas, il faudra encore assurer le financement pour le soutien à la cause abolitionniste en acquérant les jetons idoines. Et là, vous constaterez très vite que ce n’est pas si simple.

Finalement, on se rend bien compte que le jeu colle parfaitement à la réalité historique. Se placer au bon endroit et au bon moment, se coordonner, gérer les événements, assurer le soutien à la cause, éviter les chasseurs, perdre parfois des vies…

Un dernier mot encore sur le renouvellement des parties. Avec le déplacement aléatoire des chasseurs d’esclaves, la pioche des cartes elle aussi aléatoire et le choix des personnages et de leurs capacités spéciales, vous avez de quoi faire varier votre jeu. Par ailleurs, Freedom offre aussi la possibilité de jouer des parties plus simples ou plus difficiles en choisissant le nombre d’esclaves à libérer. C’est plutôt bien vu !

Pour nous, les sensations de jeux sont vraiment excellentes ! On se retrouve clairement face à un titre très stratégique, prenant, et qui colle au contexte historique. Nous ne sommes pas sur un wargame mais bons nombres d’éléments reprennent un peu les grands principes de ces types de jeu. Un plan de la région, des cartes historiques avec des photos d’époque, des cubes en bois que l’on fait progresser sur la mappe, le contexte historique omniprésent, etc. Mais pour autant, le jeu ne s’adresse absolument pas à une élite de joueurs, qui aiment s’amuser le nez plongé dans un livre d’histoire. Au contraire ! Freedom reste véritablement un jeu de gestion pour joueurs passionnés. Et si en plus, vous appréciez les belles productions, on ne voit pas comment vous pourriez passer à côté de cette petite pépite.

Freedom en solo

On finira très brièvement par vous parler de la version « solo » de Freedom. Sur bons nombres de titres, le jeu solo implique des règles particulières et même des éléments de jeu propre à la version « 1 joueur ». Comme par exemple un deck de cartes spécifique ou un plateau de jeu alternatif ou des zones à évincer de la partie. Avec Freedom ce n’est pas le cas. Le jeu reste véritablement le même !

On aurait presque envie de vous dire que le jeu se pratique encore mieux en solo. Mais là, c’est une question d’appréciation qui fera appel à vos préférences de joueur. Si Freedom implique une parfaite coordination à deux joueurs et plus et une belle interaction, en solitaire, vous êtes vraiment le seul aux commandes. Sur ce type de jeu, assumer et prendre le contrôle total de la partie est particulièrement intéressant et encore plus immersif. Les tours de jeu restent très riches, tendus et stratégiques. Vous devrez penser à tout ! Absolument à tout, et malheur à vous si votre planification n’est pas parfaite !

Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.

La règle du jeu en français
Freedom dans la Zone jeu de société, face à la caméra de Martin
Le site de l’éditeur Asyncron

Rédacteur de l’article : Léo

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