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878 Les Vikings, invasions de l’Angleterre… comme si vous y étiez !

par jeudeclick
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878… Devant l’étendue verdoyante du lieu-dit d’Ethandun, se dresse une petite hauteur occupée par les redoutables guerriers vikings de Guthrum. Avec leur mur de boucliers communément appelés Shieldwall, ils semblent invulnérables et prêts à défaire une nouvelle fois les vaillants Saxons venus à leur rencontre. Mais cette fois-ci ce sera différent car Alfred le grand, brillant monarque anglo-saxon a préparé son intervention. Les soldats saxons se sont déplacés rapidement à cheval et ont tous convergé vers le lieu de l’affrontement. Maintenant démontés, ils forment eux aussi un Shieldwall, une gigantesque carapace de bois articulée et colorée qui fait face à sa jumelle viking. Les scandinaves croyant la victoire à portée, avancèrent en descendant vers le mur ennemi dans le but de le rompre. Mais avec la volonté de préserver leurs terres et le dernier bout d’Angleterre libre, les Saxons allaient se montrer inflexibles. Si bien que peu à peu, la ligne de boucliers ronds vikings commença à se lézarder et voulant éviter une débâcle totale et imprévue, Guthrum ordonna le repli vers Chippenham, le camp fortifié danois. Vaincus et maintenant assiégés, les vikings accepteront finalement les approches diplomatiques subtiles d’Alfred et signeront le traité de Wedmore, avec la promesse de stopper la progression viking en Angleterre du Sud, le royaume du Wessex était ainsi définitivement sauvé.

Hache pour Homme

878 Vikings est un jeu qui nous fait revivre les évènements de cette époque en Angleterre. Il s’agit de l’épopée de la grande armée danoise qui, après les raids commencés dès 793 avec le pillage du monastère de Lindisfarne, arriva cette fois-ci sur le sol anglais pour une conquête durable et une colonisation de ces terres. La grande armée viking vint du Danemark dès 865 avec la ferme intention de s’implanter définitivement en Angleterre. Elle était menée par les fils de Ragnar Lothbrok, Ivar le désossé et Halfdan Ragnarsson. Pour ceux qui suivent les séries TV, la série Vikings et la série The Last Kingdom retracent ces évènements de conquête viking de la Grande-Bretagne. Et cette puissante armée viking dirigée par plusieurs fils de Ragnar puis par d’autres chefs vikings rusés va peu à peu s’emparer de la majorité du territoire anglais.

Avec leur science du combat et leur bravoure, les vikings allaient se révéler de redoutables guerriers, à tous les niveaux. Beaucoup de victoires et peu de défaites marqueront l’avancée progressive de l’empreinte scandinave sur les royaumes anglo-saxons. Dans un environnement fait de forêts, collines, rivières et marais, les vikings procédaient en bataille avec le fameux Shieldwall. Mais aussi avec une tactique payante en attaque obliquant le Shieldwall en pointe, de façon à enfoncer la ligne adverse (Tactique de l’attaque en tête de sanglier).

Le jeu 878 met à l’honneur les Berserkers, ces fameux guerriers d’élite légendaire viking, qui entraient en transe pour le combat grâce à des substances hallucinogènes en étant vêtus d’une peau d’ours. Quant aux anglo-saxons, ils s’adaptèrent face à la menace et copieront bien des techniques danoises pour les contrer. Ils utiliseront ainsi la hache danoise pour former la garde d’élite des Housecarls, qui posera bien des problèmes en 1066 à Guillaume le Conquérant. Ils développèrent aussi une capacité stratégique de réaction typiquement saxonne, celle de se déplacer très rapidement à cheval d’un point à un autre du royaume sur les maigres routes anglaises, bien qu’ils combattaient ensuite uniquement à pied en Shieldwall. Cette capacité permit de faire de l’armée saxonne une des plus redoutables d’Europe par la suite, car ce déplacement éclair permettait de surprendre l’adversaire et ainsi de le défaire (Bataille de Stanford Bridge 1066). Et si l’adversaire n’était point surpris, d’avoir l’avantage du terrain et de se positionner sur une position défensive telle une colline, gagnant ainsi, avant même le début de la bataille, un avantage certain (Bataille de Hastings 1066).

Quatre arrivages et un affrontement

878 Vikings, Invasions of England, sorti en 2017, est un jeu de la série Birth of Europe de l’éditeur américain Academy Games pour la VO et d’Asyncron pour le portage francophone. C’est un spin-off de la série Birth of America (1754, 1812 et 1775) et partage un système de jeu commun avec cependant des particularités adaptées à chaque situation historique. Sachant que 878 est le premier jeu de cette nouvelle série Birth of Europe, il va de soi que d’autres opus bien salivant devraient sortir dans la lignée de ce magnifique jeu historique.

Bon revenons à nos moutons, moutons anglais bien évidemment. 878 est un jeu de 2 à 4 joueurs, agissant par camp, c’est-à-dire deux factions contre deux autres factions (anglo-saxons contre vikings). La durée du jeu est en moyenne de une heure et demi voire deux heures, ce qui en fait un jeu relativement abordable pour un opus de ce type.

Comme évoqué précédemment, un ou deux joueurs vont avoir en main la destinée de la grande armée viking qui va s’étendre sur les royaumes anglo-saxons. Les vikings contrôlent donc soit les Norsemen (couleur noire) qui représentent le guerrier viking de base, soit les Berserkers (couleur rouge) qui représentent les guerriers d’élite. Le ou les joueurs anglais quant à eux sont les Housecarls (couleur bleue), la garde royale soit les Thegns, les nobles guerriers anglais. Les Fyrds, la milice paysanne faible, levée pour les combats locaux apparaitra de manière aléatoire pour la défense des cités du côté anglais.

Traité de Wedmore and more

Les joueurs des deux camps vont devoir coordonner leurs stratégies et coopérer pour essayer d’arracher la victoire. Chaque camp doit contrôler un maximum de villes pour gagner. Le camp anglais contrôle toute l’Angleterre au début du jeu mais à chaque tour, une armée d’invasion viking dirigée par un leader viking débarque et avance sur les régions anglaises.

Les anglais reçoivent régulièrement des renforts indiqués sur la carte, par le contrôle de certaines villes. Les Vikings eux, ne recevront des renforts que par une future armée d’invasion arrivant par la côte.

Le jeu se déroule en sept rounds et peut se terminer de deux manières différentes conditionnant ainsi la victoire. Premièrement par la conquête, ainsi si les vikings contrôlent quatorze villes ou plus à la fin de n’importe quel round, ils l’emportent. Si au contraire les vikings ne contrôlent plus aucune ville à la fin d’un round les anglais gagnent. Deuxièmement par le traité de Wedmore. Si les cartes traités ont été jouées par un des deux camps – voire les deux – alors à la fin des rounds 5, 6 et 7, on vérifie les conditions suivantes : Si les vikings possèdent neuf villes ou plus ils gagnent, sinon ce sont les anglais qui sortent vainqueur.

Ces conditions de victoire subtiles, par conquête ou traité sont un des sels du jeu car il y a manière à manœuvrer et essayer d’induire en erreur son adversaire notamment grâce au traité de Wedmore. La manière pour vaincre reste confuse jusqu’au bout, reflétant bien les incertitudes de la réalité historique. Grande trouvaille que voilà.

Sea, Wessex and Sun

Comment se déroule le jeu ? c’est simple : depuis un sac, on tire au sort un cube de la couleur du joueur actif, celui-ci va entamer son tour.

D’abord vient la phase de renforts qui permet de récupérer des troupes, puis le joueur joue une carte de mouvement de sa main (et on peut avoir aussi dans sa main pleins de cartes d’évènements historiques qui ne se jouent qu’à des moments très précis (combats etc…)) où dessus il y est indiqué le nombre d’armées qui peuvent se déplacer (une armée étant un groupe de figurines se déplaçant ensemble) et la distance qu’elles peuvent parcourir. On pourra bien évidemment déplacer des troupes de son allié dans son armée active, à condition d’avoir au moins une figurine de sa faction présente.

Et pour les vikings qui ont un leader (et ensuite pour les anglais avec Alfred le grand), il y a d’abord une phase leader avant le mouvement où la grosse armée se déplace, combat, laisse des troupes sur place, continue jusqu’à épuisement des points de mouvement. Une fois ses mouvements et combats finis, le joueur actif recomplète sa main et pioche des cartes jusqu’à trois max en main, puis c’est le tirage d’un nouveau cube de couleur pour connaitre le joueur suivant.

Il se battent comme des Thegns

Pendant la phase de bataille, chaque faction en présence va lancer les dés du nombre de figurines présentes dans la région. Mais limités par le nombre maximum de dés de chaque faction (Berserker : 2 dés, Norsemen : 3 dés, Housecarl : 2 dés, Thegn : 3 dés, Fyrd : 2 dés). Si l’anglais est attaqué dans une ville, il tire une carte de Fyrd qui indique le nombre de figurines Fyrd qui apparaissent localement pour défendre (mais qui disparaissent une fois le combat fini).

Les faces des dés représentent les différents résultats possibles qui sont : des touches, des commands, des fuites, et rien. Une touche élimine une figurine au choix du joueur qui subit. Un command permet de déplacer sa figurine dans une zone adjacente (pour se replier ou participer à une autre bataille). La fuite va enlever sa figurine vers une zone hors carte, les fuyards revenant au tour d’après. La subtilité bien évidemment est que les 4 factions et les Fyrds n’ont pas les mêmes faces de dés. Les Berserkers ayant le plus grand nombre de touches sur leurs dés par exemple et les Fyrds n’ayant pas de command entre autres. Il va falloir bien optimiser les particularités de chaque faction et leurs probabilités aux dés afin de pouvoir remporter des combats malgré l’aléatoire.

Mercie qui ?

Alors disons le tout de suite, le matériel est de toute beauté et permet de rentrer directement dans l’ambiance de cette époque de 878. La carte représente magnifiquement les quatre royaumes anglo-saxons de l’Angleterre de l’époque, avec au Nord la Northumbrie, au centre la Mercie, à l’est le petit (mais costaud) royaume d’East Anglie et au sud le royaume étendu du Wessex (englobant Sussex, Essex, Kent etc..). Avec ces tons semi-pastels de couleurs vertes, beiges, bleus et rouges et des illustrations rappelant les symboles de l’époque, la plateau de jeu est une petite œuvre d’art.

Les figurines sont aussi très jolies bien que assez petites mais c’est mille fois mieux que les cubes de la série Birth of America. L’immersion est ainsi totale. Le graphisme des cartes à jouer est très agréable et représentatif de cet épisode historique, sans compter les dés avec leurs faces spécifiques qui apportent une certaine touche d’originalité.

La règle est très bien écrite, concise, bien illustrée, avec globalement peu de pages de règles car le jeu est au final plutôt simple dans son approche ludique mais subtil et profond dans son approche stratégique. Il est fortement conseillé par ailleurs de lire en détails les notes historiques à la fin où on apprend plein de choses intéressantes sur ce qui s’est passé réellement. En conclusion un livret bien construit et riche, un modèle de règles.

Cousin Ubbe

Le jeu est prévu pour 4 joueurs, bien que franchement ce soit plus un jeu à deux qu’à quatre. A quatre, c’est avant tout pas mal de discussions avec son allié pour ainsi préparer des attaques ensemble; mais on gagne ou on perd ensemble. La coopération est très importante entre les factions surtout si les factions alliées jouent à la suite, les uns après les autres.

La mise en place est ultra simple, le viking tire une carte leader et place le nombre de figurines de chaque faction (Berserker ou Norsemen) correspondante et va choisir son lieu de débarquement selon ses contraintes. L’anglais lui a déjà placé ses troupes puisque le set-up est directement marqué sur les régions de la carte. Seules quelques troupes supplémentaires sont dispatchées selon les besoins. Donc le jeu peut démarrer très vite dès l’ouverture de la boite et le plaisir en est que décuplé.

Nous York, Nous York

Au niveau stratégie, il faut une vraie ligne stratégique, bien évidemment changeante et qui s’adapte à la situation, sous peine de subir le jeu et de perdre au final. Les vikings vont être confrontés à un choix d’orientation stratégique primordial. Se concentrer sur le Nord et prendre les villes dans ce secteur, évitant ainsi toute contre-attaque anglaise ? Ou bien attaquer plutôt la Mercie et ensuite décider d’aller au Nord ou au Sud en fonction de la situation ? Ou encore se focaliser à l’est et au Sud pour écarter le Wessex de sa participation active à la guerre ?

D’autres considérations seront de savoir s’il vaut mieux avancer précautionneusement vers l’intérieur des terres, ou en avance rapide façon blitz ? De même, faut-il mieux garder sa force de frappe et avancer façon bulldozer sachant que derrière il peut y avoir des contre-attaques ou bien laisser de puissantes garnisons dans chaque ville conquise assurant leur mainmise mais érodant dangereusement l’armée conquérante ?

De même pour les anglais, où placer prioritairement ses renforts ? Comment se déplacer pour regrouper des forces pour contre-attaquer ? Comment défendre efficacement des villes et lesquelles ? Comment tendre des pièges au viking en l’obligeant à s’enfoncer en territoire ennemi ? Comment gagner presque sûrement une bataille par le nombre pour contrebalancer l’aléatoire des dés ? Ou replacer tous ses fuyards pour réaliser une bataille décisive et reprendre des villes au viking ? Désagréger la force viking en l’attaquant du fort au fort ou essayer de le harceler par des attaques localisées lointaines ? Toutes ces microdécisions subtiles dans le jeu en font un jeu d’une extrême tension, richesse, évolution de situation, adaptation, et au final très très fun.

La rejouabilité est totale car on se pose à chaque fois à la fin la question « Et si j’avais fait cela à la place ? » et on veut vite re-essayer ou essayer de nouvelles stratégies. Et le tirage des cubes des factions à l’aveugle est aussi jouissif et tendu, car il va falloir s’adapter à chaque situation, c’est très bien pensé car il est parfois difficile de prévoir et calculer sur plusieurs rounds.

A Thor ou à raison

En conclusion 878 Vikings est un jeu pleins de belles surprises, premièrement par sa réalisation et son matériel très réussi. Ensuite par son passionnant gameplay. Empreint d’historicité, sur la furieuse et glorieuse invasion viking de l’Angleterre, le jeu se révèle tout à la fois stratégique et aussi fun à souhait.

Il y a plein de rebondissements, de tension insoutenable, de combats épiques, de prises et reprises de villes qui finalement mèneront à des victoires à l’arraché, tant méritées que disputées. En fait tous les ingrédients que l’on aime dans un bon et vrai warteau. Et on espère bien évidemment, vu la qualité de ce magnifique 878 Vikings que les futurs opus de cette série Birth of Europe seront du même acabit.

Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.

La règle du jeu en français
La fiche du jeu sur le site Board Game Geek
Le site de l’éditeur Asyncron

Rédacteur de l’article : Laurent

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