Juin 1944, plus de 150’000 soldats alliés débarquent sur les plages de Normandie, sous le commandement du général américain Dwight Eisenhower. L’Allemagne nazie occupe alors une grande partie de l’Europe. Cette première offensive contre les Allemands, qui sera un succès, permettra la mise en place d’une tête de pont pour le débarquement de plusieurs millions de soldats alliés sur le territoire français. L’offensive coûtera cependant la vie à plus de 10’000 soldats américains, britanniques et même canadiens.
Les alliés vont ainsi progresser dans l’Hexagone, libérant Paris le 25 août 1944. L’armée du Führer n’aura alors d’autre choix que de battre rapidement en retraite face aux troupes en présence. Par la suite, les alliés projèteront de franchir le Rhin avant la fin 1944. L’objectif étant d’occuper la région de la Ruhr pour mettre à mal l’économie allemande. Reculant petit à petit mais à un rythme relativement soutenu, les divisions d’infanterie, de blindés et celles aéroportées feront face aux volksgrenadiers, aux parachutistes et bien sûr aux Panzers allemands. Les lignes de ravitaillement mises en place permettent une avancée décisive et il est effectivement prévu de franchir le Rhin rapidement afin de repousser définitivement les soldats allemands. Ces derniers sont d’ailleurs pourchassés sur plusieurs centaines de kilomètres.
Lors de l’arrivée des premières neiges, les alliés auront déjà libéré presque la totalité de la Belgique, du Luxembourg ainsi qu’une petite partie des Pays-Bas. Mais le 16 décembre 1944, dans les Ardennes belges, une attaque allemande désespérée vise à diviser l’offensive menée notamment par les troupes américaines et britanniques. Des troupes dirigées par Bernard Montgomery, Dwight Eisenhower, Omar Bradley mais aussi George Patton. La bataille des Ardennes durera jusqu’au 25 janvier 1945 et infligera de nombreuses pertes, notamment aux unités du Reich menées par Walter Model et Gerd von Rundstedt. La progression se poursuivra mais avec du retard sur le plan initial. La libération d’Anvers permettra notamment aux alliés de faciliter leur réapprovisionnement grâce à l’utilisation des installations portuaires. Le 7 mars 1945, le Rhin est franchi à Remagen par les troupes américaines et les unités allemandes reculeront encore plus au cœur de l’Allemagne…
De juin 1944 à mars 1945
Race to the Rhine, paru chez l’éditeur polonais Phalanx et localisé en français chez Asyncron, nous invite justement à revivre la progression des unités alliées, après la libération de Paris en août 1944 et jusqu’au franchissement du Rhin durant le premier trimestre 1945.
N’y voyez pas là un « pur wargame » destiné exclusivement à des historiens de la seconde guerre mondiale. Non, c’est justement tout le contraire. Race to the Rhine est avant tout un jeu de gestion sur une thématique historique. Nous pourrions le classer dans la catégorie des warteaux. Ces jeux mêlant wargames et jeux de plateaux.
Pour un à trois joueurs, l’opus plusieurs fois primé, permet de prendre le commandement des corps d’armée de Montgomery, Bradley ou Patton. Durant environ trois heures, pour un titre accessible dès quatorze ans, vous devrez avant tout gérer le convoiement du ravitaillement et assurer son maintien constant. Il faudra acheminer sur le front, munitions, nourriture et carburant. Tout au long de ce jeu compétitif, vous vous déploierez de manière stratégique, de villes en villes, et devrez faire face aux diverses rencontres qui vous attendent, entre unités blindées et civils affamés.
Pour vous permettre de savoir si ce jeu de simulation historique est fait pour vous, on vous résume la règle puis on vous dira ce qui nous a plu dans Race to the Rhine.
Ravitaille-moi si tu peux !
Dans Race to the Rhine, vous prenez donc le contrôle de l’un des trois ou quatre corps d’armée des forces alliées dirigés soit par Bernard Montgomery, Omar Bradley ou George Patton. Mais vous contrôlerez surtout l’intendance pour acheminer carburant, munitions et nourriture en direction du Rhin. La victoire sera attribuée au premier joueur qui parviendra à franchir le Rhin.
A son tour, le joueur actif commence par récupérer du ravitaillement, sous la forme de carburant, nourriture ou munitions, qu’il stocke dans un dépôt sous son contrôle ou dans sa base. Puis il récupère également des camions de transport qui seront nécessaires au convoyage du ravitaillement. Ces camions sont ensuite placés sur le plateau de jeu de manière à constituer une chaîne d’approvisionnement en directement des corps d’armée qui constituent les têtes de pont. Les corps qui ne sont plus ravitaillés ne pourront plus progresser.
Pour déplacer un corps d’armée, un pion de carburant doit être consommé. Les corps d’armée vont ainsi se déplacer sur la carte, de villes en villes, dans leurs zones respectives et en direction du Rhin. Quand un corps entre dans une ville, le joueur pioche une carte de rencontre et en résout l’effet. Ainsi, il sera possible de faire face à des civils affamés, des résistants, des troupes allemandes, des actions de marché noir etc. Chaque rencontre impliquera par exemple de dépenser de la nourriture pour aider les populations, gaspiller des munitions lors de batailles contre une division de Panzer, etc. Mais vous pourrez aussi obtenir des actions supplémentaires, échanger des ressources, effectuer de la reconnaissance sur les prochaines cartes piochées, récupérer du carburant. Et on en passe. Lorsqu’une ville est libérée, encerclée ou contrôlée par un joueur, il y dépose un jeton à sa couleur et la ville passe sous son contrôle.
Le jeu propose également des appuis aériens. Cette action, limitée, permettra de regarder la prochaine carte de rencontre et simulera l’aperçu effectué par les airs avant d’entrer dans la prochaine ville avec ses troupes au sol. Tout comme il sera également possible d’utiliser des unités aéroportées afin de bénéficier d’un bonus de munitions pour prendre une ville, ou une ville fortifiée, sous contrôle allemand.
Une fois la séquence de jeu achevée, l’Axe va réagir ! Depuis le Rhin et en provenance de la région de la Ruhr, l’ennemi va se déplacer en direction des Aliés. A chaque fin de tour, un marqueur de contrôle de l’Axe est placé sur la prochaine ville simulant cette dernière qui passe sous contrôle allemand. L’Axe pourra également contre-attaquer les joueurs si ces derniers se trouvent déjà au contact des Aliés.
Et la partie continue ainsi jusqu’à ce qu’un joueur ait franchi le Rhin ou que tous les marqueurs de contrôle de l’Axe ont été placés sur le plateau. A noter que durant la partie, des médailles pourront être gagnées et ces dernières seront utilisées pour départager les joueurs si aucun corps des Aliés n’est parvenu à franchir le Rhin.
A noter que les joueurs pourront en outre utiliser des règles avancées pour augmenter le réalisme du jeu. Ainsi, il sera possible de jouer avec la météo, avec l’utilisation de la ville d’Anvers comme base de ravitaillement, avec des règles de Fair Play qui influenceront l’utilisation des camions, etc.
Race to the Rhin en solo
Une brève explication pour la partie en solo nous semble nécessaire. Dans cette partie, vous choisissez d’incarner Montgomery, Bradley ou Patton. Sur le plateau de jeu, des jetons numérotés sont placés sur les villes de la région côtière du Rhin, c’est-à-dire au Nord de la zone de jeu.
En mode solitaire, vous devez remporter une victoire immédiate le plus vite possible. Il vous faudra donc franchir le Rhin avant que l’Axe ne soit parvenu à prendre toutes les villes symbolisées par les marqueurs sur le plateau de jeu.
A chaque fin de tour, le joueur lance 3D6. Le résultat correspondra à un marqueur qui sera alors retourné, symbolisant la ville passant sous contrôle allemand. A noter que la ligne de front pourra également évoluer en fonction de la situation sur le plateau. Ainsi, plus les villes seront occupées et plus la partie deviendra difficile à gagner pour les Aliés. Une véritable course contre la montre se mettra alors en place.
Des ponts… vraiment trop loin ?
Même si Race to the Rhine est en rupture définitive chez son éditeur, il nous était impossible de ne pas évoquer avec vous ce magnifique jeu de simulation historique. Une petite pépite ludique ! A l’intérieur du boitage, on retrouve un matériel produit avec soin. Un grand plateau de jeu, dix blocs en bois pour représenter les corps d’armée avec leurs autocollants respectifs, une série de marqueurs et tokens en carton, 90 pions de ravitaillement en bois, plus de 30 camions de transport en bois et un deck de 110 cartes toilées. Le jeu comporte également tout le matériel pour y jouer en solo ainsi que la règle du jeu. Il ne manque vraiment rien pour une immersion complète.
Les illustrations reprennent des photos d’époque mais aussi les fameux sigles, médaillés et emblèmes de cette période historique. Les pictogrammes du jeu sont quant à eux parfaitement explicites, utiles et l’ensemble est cohérent. Et une jouabilité au top ! On a vraiment apprécié cette première approche.
Une première approche qui passe d’ailleurs par le fameux livret des règles. Un beau et grand livret de seize pages. Des explications claires qui sont ponctuées par de très nombreux exemples. Les informations vont droit à l’essentiel ce qui en font un document exigeant, dans lequel toutes les données sont capitales à la compréhension du gameplay. Et des illustrations explicatives qui viennent compléter les informations données. Un livret efficace et bien rédigé qui nous ont permis de rapidement mettre en place et débuter une première partie.
Et justement, cette première partie devra passer par une phase de découverte. Race to the Rhin est un jeu pour lequel il faudra prendre un peu de temps pour en maîtriser tous les mécanismes et les différentes subtilités. Le tour de jeu n’est pas compliqué mais une première approche sera nécessaire pour maîtriser les déplacements, les subtilités des ravitaillements, les particularités de certaines villes, puis le jeu qui évolue à l’approche du conflit avec les troupes de l’Axe. Mais cette découverte – nécessaire – est plutôt plaisante. Les aides de jeu sont bien utiles et on effectue quelques allers-retours vers la règle pour clarifier certains points. Cela est tout-à-fait normal et à partir de la deuxième partie, toute la stratégie du jeu peut librement s’exprimer.
Surtout que le jeu va offrir trois façons différentes de rejoindre le Rhin. Si les mécanismes restent bien sûr les mêmes, Montgomery, Bradley et Patton ne se jouent pas de la même façon. Et cela, c’est vraiment génial ! Patton aura ainsi une plus petite distance à parcourir mais avec des bases plus reculées. Bradley sera positionné entre les deux autres joueurs et donc avec de multiples points de conflits avec les adversaires. Et finalement Montgomery, qui parcourra davantage de distance pour rejoindre le Rhin mais qui aura en sa possession quatre corps d’armée. Les autres, trois uniquement. Sans oublier bien sûr, les capacités spéciales propres à chaque faction et à chaque leader.
Évoquons à présent les mécanismes présents dans le jeu. Race to the Rhine est avant tout une course. Mais une course qui peut se décomposer en deux parties. Une première qui sera le but du jeu et qui consiste à être le premier joueur franchissant le Rhin, tout au nord du plateau. Mais le terrain de jeu comporte également des médailles à remporter dans les différentes villes traversées. Et là aussi, sur les zones de conflits entre les joueurs, seul le premier pourra s’en emparer avec des sortes de courses intermédiaires. On retrouve encore un important système de gestion de ressources (nourriture, carburant et munitions) que les joueurs devront mettre en place. Le positionnement sera également un élément important du gameplay. Non seulement pour le convoyage des ressources mais aussi pour l’avancée en direction du Rhin. Le titre propose en outre une part de hasard avec les différents événements que l’on rencontre dans chaque ville. Mais une part du jeu sera justement d’anticiper les événements en prenant les villes avec suffisamment de ressources ou en effectuant des reconnaissances aériennes. La planification devra donc clairement faire partie de votre stratégie. D’ailleurs, tout le gameplay colle parfaitement au thème. La guerre réserve des surprises et une part d’imprévu, de hasard. Mais surtout, elle se remporte grâce à une planification minutieuse reposant notamment sur des ressources livrées en suffisance. Quand le gameplay et la thématique se rejoignent… on obtient Race to the Rhine !
Et l’originalité dans tout cela alors ? Le thème de la deuxième guerre mondiale n’est pas novateur dans les jeux de société. Ni même dans les jeux historiques. En revanche, on a énormément apprécié l’originalité de tout le système de ravitaillement qui est vraiment au centre de Race to the Rhine. C’est vrai qu’en ne connaissant pas le jeu et qu’en découvrant la boîte, on pourrait penser à un énième jeu de guerre. Les allemands contre les Aliés, avec combats à la clé. Et bien pas du tout ! L’éditeur a pris le parti de miser sur un thème et un système de jeu qui fait la part belle à la logistique. Voilà l’originalité qui nous a plu, qu’on a appris à découvrir et qu’honnêtement, on adore !
En termes de rejouabilité, on l’a vu précédemment, les trois leaders et leurs différents corps se jouent de façon bien différente. Ainsi, on a là un bon renouvellement des parties. Par ailleurs, le fait d’alterner les positions entre les joueurs, sur une configuration à deux, permet aussi une certaine diversité. Idem en solo avec le choix de Patton, Montgomery ou Bradley et leurs particularités. La pioche des cartes aléatoires vient encore renforcer le renouvellement du jeu tout comme les différents chemins possibles en direction du Rhin et les multiples stratégies variées que les joueurs vont pouvoir exploiter. Honnêtement, même si le but du jeu reste toujours une course vers la victoire, il y a de quoi faire et il y a peu de risque de s’ennuyer avec un titre répétitif.
L’interaction n’est pas omniprésente mais on retrouve quand même de quoi faire. Les villes comme Luxembourg ou Maastricht se retrouvent aux carrefours de deux factions et les joueurs vont forcément devoir interagir entre-eux. Tout comme la réserve générale qui est commune mais dans laquelle chacun va user pour son propre compte. Le système de l’aviation permettra aussi d’interagir avec le jeu des autres. Concrètement, le but de repousser les forces de l’Axe reste commun mais à chaque tour, les joueurs vont faire avancer le front allemand sur les lignes des adversaires. Et forcément, en plus de l’interaction direct, la discussion sera belle est bien là. Un jeu qui est donc propice aux échanges dans une proportion vraiment agréable et plaisante.
Un dernier mot encore sur l’aspect historique du jeu. Si la position de départ colle avec les faits, notamment avec Georges Patton qui commence à déborder sur l’est et la poursuite des allemands en direction du Rhin pour les trois unités alliées, il faut bien reconnaître que le déroulement de la partie ne concorde plus avec les faits. Forcément, chaque joueur fait progresser ses unités selon son jeu. En outre, les événements liés à la libération ou la prise des villes sont en lien à un deck de cartes piochées aléatoirement. Donc forcément, la réalité historique ne peut plus coïncider. Et si vous gagnez la partie, idem ! Car dans les faits, les Aliés ne franchiront jamais le Rhin à temps. Ils y parviendront finalement à Remagen mais pas avant mars 1945. Cela dit, le fait que le jeu ne colle pas totalement à la réalité n’est de loin pas dérangeant et le système de jeu offre justement une belle liberté qu’on apprécie tout le long de la partie.
Vous l’aurez compris, on a eu beaucoup de plaisir à jouer et rejouer à Race to the Rhine. Un jeu qui nous plonge littéralement dans l’univers passionnant des warteaux et des jeux de simulation historique. Même si nous sommes davantage sur un jeu de gestion utilisant fortement la thématique historique des années 44-45 ! Et au passage, qui montre bien l’importance de la logistique durant cette période du conflit. Tout comme la rivalité des leaders Alliés. On a beaucoup aimé l’accessibilité qui permet à des joueurs même moyennement expérimentés, de venir vers un jeu estampillé historique. Une bien belle porte d’entrée en résumé ! Quant au système de jeu, c’est à la fois un mécanisme simple mais passionnant et surtout très complet que nous offre Race to the Rhine. Mais toujours en gardant à l’esprit que nous sommes dans un jeu de gestion. Quant à l’aspect ravitaillement qui se retrouve bien au centre des actions, voilà de quoi nous plaire ! Bien sûr in fine, l’objectif est d’affronter et de combattre l’ennemi, mais nous ne sommes pas dans un jeu de combat. Nous sommes dans un jeu de planification où l’affrontement avec l’adversaire occupe une place ridiculement petite. Et c’est tant mieux, on a adoré ! Entre le déplacement stratégique, les ressources à acheminer, les rencontres dans chaque ville, les adversaires qu’il ne faut pas sous-estimer, les ennemis qui progressent et la course qui apporte une tension… quelle petite claque ludique on se prend !
Jusqu’à présent, l’éditeur Asyncron était passé à autre chose, et on peut le comprendre, mais on espère que les joueurs qui recherchent désespérément une copie de ce jeu puissent un jour bénéficier d’un retirage. Même si pour l’heure, il est en rupture définitive. Sachez en revanche que l’éditeur originel du jeu, à savoir Phalanx, prévoit un nouveau « Race to… » mais plutôt un « 1941 Race to Moscow ». Même système de jeu, cependant plus profond, et cette fois c’est l’opération Barbarossa dont il sera question et vous incarnerez les unités allemandes. Vous planifierez votre logistique (en camions ou par convois ferroviaires) et ferez avancer vos unités vers la capitale de l’armée rouge ! Wouaw… N’est-ce pas ? Annoncé pour 2019, on peut déjà vous annoncer que le titre sera porté sur Kickstarter avec une campagne de financement qui est planifiée pour fin juin 2019. Et autant Phalanx qu’Asyncron nous ont confirmé qu’il y a une volonté pour une localisation en français ! On vous tient naturellement informés de l’évolution de ce projet que nous suivons de près.
Pour nous, Race to the Rhine reste donc un jeu phare dans son domaine. Un « must have » pour les passionnés de jeux de gestion. Mais aussi pour les joueurs qui apprécient les jeux en solo. Et même les warteaux ! Car dans tous les cas, Race to the Rhine en a dans le ventre ! Ludiquement et historiquement parlant !
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La règle du jeu en français
La fiche de Race to the Rhine sur BGG
Le site de l’éditeur Asyncron