Une petite brise matinale souffle sur le village et sur l’ensemble de l’archipel. Le soleil réchauffe rapidement l’atmosphère. Les palmiers se balancent tout doucement et la douceur de vivre s’empare des lieux. Les premières échoppes de pêcheurs sont déjà installées tandis que le chaman termine sa cérémonie. Une journée finalement ordinaire sur ces minuscules îlots du bout du monde. Le temps semble s’y être figé. Arrêté. Suspendu. Mais la tranquillité et la sérénité sont pour la première fois interrompues ce matin. Le guetteur donne l’alerte. Pavillon noir et armes dégainées ont été repérés au large. Fonçant à toute allure, un galion pirate s’apprête à faire main basse sur le village…
Vous l’aurez compris, aujourd’hui on vous emmène sur un petit coin de paradis. Une île perdue au milieu de l’Océan, où l’éditeur Lifestyle Boardgames vous met au défi. Un éditeur qui n’est pas énormément représenté en francophonie mais à qui on doit déjà quelques titres connus sous nos latitudes, comme par exemple Nessie, Macroscope ou Tubyrinth (pour ne citer qu’eux). Avec Costa Ruana, c’est bien une édition francophone qui entre ainsi tout droit au catalogue de Blackrock.
Et aux commandes du titre, on retrouve Yuri Zhuraviev. Si son nom ne vous dit rien, vous aurez forcément déjà entendu parler de lui avec Space Explorers ; un de ses jeux sorti en 2017. Pour Costa Ruana, l’éditeur a confié une réalisation graphique plutôt singulière, aux talents de Pam Whishblow. Deux à six joueurs pourront fouler les terres de Costa Ruana, pour des parties d’environ 45 minutes, accessibles dès dix ans.
A présent, intéressons-nous de plus près à ce jeu qui a éveillé notre curiosité. Vous l’aurez compris en introduction, les pirates s’apprêtent à faire main basse sur votre petit archipel de Costa Ruana. Et surtout à vos précieuses ressources : les perles sacrées. Il n’y a donc plus une minute à attendre, vous devez agir ! Avec ce jeu de cartes tactique, vous positionnerez vos insulaires sur les différentes îles, vous déplacerez les perles et vous essayerez de récupérer davantage de ces précieuses ressources avant les autres chefs de tribu.
Sans plus attendre, attardons-nous sur les règles du jeu.
PiraaaâÂâaates en vue !
Chaque joueur incarne un chef de tribu de Costa Ruana. Le but est d’obtenir le plus de points de respect à la fin des cinq tours de jeu. Pour chaque trésor récupéré (les perles), vous obtiendrez deux points de respect et un pour chaque habitant dans sa réserve en toute fin.
Le tour de jeu débute avec cinq cartes dans la main de chaque joueur. On joue à tour de rôle en commençant par le Chaman, c’est-à-dire le premier joueur. A votre tour, vous commencez par jouer une carte de votre main face visible. Cette carte peut être posée soit devant vous soit devant un autre joueur. Quand revient votre tour, vous jouez de la même manière une deuxième carte, mais face cachée. Et quand votre tour revient pour la troisième fois, vous pouvez placer l’un de vos meeples insulaires, sur n’importe quelle carte jouée.
Le Chaman décide ensuite de retourner une des deux tuiles de rituel placées sur la table. Ainsi, il décide quelles seront les deux couleurs de cartes activées pour ce tour. A noter qu’il y a quatre couleurs différentes sur les cartes du jeu. Toutes les cartes sont ensuite révélées face visible et on ne garde que celles qui correspondent aux couleurs face visible des tuiles de rituel. Puis les effets des cartes sont appliqués. Ainsi, il est possible de retirer des meeples insulaires des cartes îles placées au centre de la table, d’en ajouter ou d’en déplacer. Il est aussi possible de déplacer des perles placées sur les cartes îles. Quand les effets des cartes ont été appliqués, les joueurs majoritaires sur chaque île remportent une perle et retirent un de leur insulaire. Tous deux sont placés dans la réserve du joueur. Puis, un nouveau tour commence. La partie s’arrête au cinquième tour de jeu.
Hô mon île… au soleil…
Quel incroyable parti pris graphique que cette édition de Costa Ruana ! Uniquement réalisé en 2D, avec de grands aplats de couleurs et avec des motifs tribaux… voilà la première chose qui saute aux yeux quand on se retrouve face à cette boîte de jeu. De notre côté, on a beaucoup apprécié le travail d’illustration et l’audace de cette direction artistique. C’est vraiment du plus bel effet et le rendu se veut également raccord avec la thématique. L’audace et l’originalité ne paient pas toujours, mais sur cet opus, on a été charmé du début à la fin avec les visuels.
Comme les visuels ne font pas tout, regardons ce qui se cache à l’intérieur de la boîte. 82 cartes de jeu, des tuiles, un marqueur pour le premier joueur, 6 huttes en papier, 60 meeples et 50 perles. Sans oublier la règle du jeu. La production se veut de bonne facture mais on vous donne quand même deux petits conseils. Manipulez avec délicatesse les huttes car le grammage du papier est assez léger et vous pourriez avoir quelques surprises en assemblant les huttes. Et deuxième chose, protégez les cartes si vous comptez sortir le jeu fréquemment car ces dernières sont passablement manipulées pendant le jeu et ne comportent pas de toilage. En revanche, mention spéciale pour les perles… ou plutôt les demi-perles, qui ainsi ne roulent pas inutilement dans toutes les directions. C’est un détail, mais on l’a apprécié.
Le thème des pirates qui viennent voler des trésors s’utilise passablement dans l’univers du jeu de société. Sauf que là, pas une seule jambe de bois en vue dans la boîte. On a cherché ! Retournés fond de boîte et couvercle, mais pas un flibustier pour nous accueillir avec son canon chargé. Et c’est justement cela qui nous a beaucoup plus. L’éditeur aurait pu « tomber dans le piège » de cette thématique, mais au contraire. L’accent a été exclusivement porté sur les villages, leurs trésors et la culture tribale fabuleusement mise en couleur par l’illustratrice. Le résultat est malin et l’originalité belle est bien au rendez-vous !
La règle du jeu tient sur un petit feuillet de six pages relativement bien fourni. Une mise en page très classique ponctuée par quelques illustrations bien choisies. C’est simple, sobre et efficace. Toutes les précisions sont contenues dans la règle, si bien qu’il n’est pas nécessaire d’y revenir lors des premières parties. Seul l’ordre d’activation des cartes nécessite un bref coup d’œil au règlement. Mais après quelques tours, il n’y a plus besoin de repasser par cette étape.
Ainsi, on se retrouve avec une prise en main particulièrement simple et même très instinctive. Il faut dire que le tour de jeu brille par une bonne accessibilité. On joue une carte face visible, puis une face cachée et on termine le tour en plaçant un meeple ! Il n’y pas besoin d’être un expert en la matière pour s’en sortir. En revanche, tout côté stratégique et réflexion se situe bel et bien ailleurs ; dans le choix des cartes.
Et justement, parlons-en du choix des cartes… Ou plutôt, évoquons les mécanismes utilisés dans Costa Ruana. Repétons-le encore une fois, pour la forme, mais nous sommes bien sur un jeu de cartes ! Et qui dit jeu de cartes, dit gestion de main. Dans cet opus, la gestion des cartes revêt toute son importance. Parfois il sera plus intéressant de conserver certains effets pour plus tard dans la partie et parfois, il sera préférable de les jouer sans attendre et de saisir l’opportunité qui s’offre à vous. Il faut dire que le centre de la table – comportant les îles et leurs insulaires – rythmera passablement vos choix. On retrouve encore des mécanismes de placement et de majorité avec l’occupation des meeples sur les différentes îles mises en jeu. Le bluff peut aussi s’inviter dans vos parties, notamment avec les cartes placées face cachée. Mais nous ne sommes vraiment pas sur ce type de jeu et vous constaterez très vite que la stratégie l’emporte radicalement. Costa Ruana implique encore une petite part de chance. Car oui, les cartes du jeu sont distribuées aléatoirement. Il se pourrait donc que vous ne bénéficiez pas toujours des facteurs des Dieux. Mais heureusement, le système consistant à retourner les tuiles de rituel vient contrebalancer cet aspect. Il s’agit là d’un élément plutôt malin et intéressant avec ce principe qui élimine du jeu (pour le tour) une partie des cartes.
Avec ce qui a été exposé, vous aurez certainement compris que le tour de jeu ne manque pas d’intensité. On se retrouve avec l’ensemble des protagonistes qui jouent de manière plutôt vive. Il n’y a pas beaucoup de temps d’attente même si la plupart du temps, chacun prend quelques instants pour réfléchir à la carte jouée. En regardant les autres du coin de l’œil avec un petit sourire en coin !
Avec Costa Ruana, l’interaction se situe surtout au niveau de son gameplay. On peut jouer des cartes devant les autres joueurs, on se dispute les îles et finalement, on interagit beaucoup avec et sur le jeu des autres. Même au risque de créer de petites frustrations, mais toujours propices aux échanges entre les uns et les autres.
En revanche, sur ces petites îles où d’habitude jamais rien ne se passe, on a passablement de temps pour jouer et rejouer à Custa Ruana. Alors, est-ce que le titre assure une bonne rejouabilité ? Comme les cartes sont distribuées et piochées de manière aléatoire, les parties ne se ressemblent pas. En revanche, le gameplay reste le même et on répète souvent les mêmes actions. En revanche, cette répétition laisse de quoi approfondir la stratégie et permet de ne pas se lasser du titre.
En bons élèves que nous sommes, on a aussi joué à Costa Ruana en mode deux joueurs. Force est de constater que la règle ne change absolument pas et que le jeu se prête bien à cette configuration. Comme il s’agit d’un jeu compétitif, pour lequel cet aspect revêt toute son importance, il faut garder en tête qu’on va indubitablement « s’acharner » à envoyer les mauvais points toujours au même joueur. Il peut donc y avoir un petit sentiment de frustration mais cela est souvent le cas dans les jeux d’affrontement en duo. On vous le recommande néanmoins dans cette configuration car l’opus reste particulièrement sympathique à deux. S’affronter sur une île déserte… sur la plage abandonnée… puis se réconcilier… hô pardon, on s’égare !
Attirés en premier lieu par le visuel extrêmement détonnant, on a découvert avec Costa Ruana, un opus facile à prendre en main et très intuitif. Il faut dire qu’on se sent plutôt bien à l’ombre d’un cocotier et que sur une belle plage de sable blanc, apprendre les règles est un vrai jeu d’enfants. Mais derrière cette facilité d’accès, c’est bien un petit gameplay stratégique et tactique qu’on retrouve. Un jeu tout en finesse et en réflexion dans lequel on ressent bien la compétition entre les joueurs. Une petite courbe d’apprentissage bien agréable et au final, un titre qu’on ressort assez facilement de sa ludothèque. Convivialité et compétition sont au programme de cette sympathique boîte de jeu ; que demander de mieux ?
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La règle du jeu en français
La fiche de Costa Ruana sur Board Game Geek
Le site de l’éditeur Lifestyle Boardgames
Le site de Blackrock Games