Accueil > Simulation historique > History of the World, de pires empires

History of the World, de pires empires

par jeudeclick
Publié : Dernière mise à jour le 570 vues 15 minutes de lecture

Haute antiquité, des prémices de civilisations naissent ça et là au gré des fleuves fertiles. Elles vont bâtir de monumentaux mastodontes de pierre mais aussi créer le soldat, l’archer puis viendra le fameux char de guerre. Des empires prédateurs et expansifs pousseront sur les cendres d’anciennes cités florissantes. Puis dans l’âge mur de l’antiquité par la maîtrise du fer, du cheval et de l’organisation politique, des empires encore plus étendus et puissants dirigeront le monde, de l’Inde à la Chine, du Moyen-Orient à la Méditerranée, ces puissances deviendront vraiment démesurées. A l’instar du monde romain centré sur sa grande mer intérieure propice aux échanges fructueux. L’appel de l’or déclenchera en ces âges sombres à venir, des vagues hurlantes de barbares assoiffés de richesse et de conquêtes. Huns, Arabes, Francs (les anciens francs), Vikings toutes ces peuplades n’eurent qu’un objectif, celui de butiner et de s’implanter sur les riches terres des empires passés. Les cavaleries lourdes, ancêtres de la chevalerie, détruiront les rangs vermoulus des fantassins blindés d’une autre époque. Le moyen âge pouvait commencer. Des anciennes limes et lignes fortifiées contournables naquirent les châteaux-forts et citadelles mieux défendables in situ. Tout ce monde féodal sera ensuite lui-même aussi bouleversé et métamorphosé par l’arrivée de la poudre à canon (et qui n’était pas de la poudre de perlinpimpim). Les massives et imprenables murailles médiévales tomberont face aux déluges de feu de ces nouvelles armes. Ottomans, Portugais, Espagnols ces dynamiques empires émergents de la Renaissance connaîtront differents destins, certains verront dans des terres lointaines leur désir d’assouvir leur soif d’épices et de métaux précieux, quand d’autres modèleront le visage de l’Europe à venir. L’époque suivante de l’Histoire de l’humanité sera celle des grands empires, des grandes nations, avec l’arrivée de nouveaux armements qui forgeront le monde du XXème siècle. Etats-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Japon se partageront le monde moderne et peut-être finalement la victoire à History of The World.

La Genèse j’ai su mais rien

Voici un mauvais jeu de mots pour dire que non, nous ne commençons pas par les sumériens : commençons par un vrai historique : History of the World est un jeu sorti dans sa toute première version en l’année 1991 (ça nous ne rajeunit pas, n’est-ce pas Saddam) créé par les Ragnar Brothers. En 1993, il sera publié par l’éditeur Gibson Games. Puis ensuite Avalon Hill en acquit les droits rapidement et en publia une version un peu plus élaborée toujours en 1993 malgré une laideur de carte commune. C’est cette version là qui fut amplement diffusée à travers le monde et qui permit le succès et la renommée du jeu à cette époque.

Mais suite au rachat de Avalon Hill par Hasbro en 1998, une nouvelle version, cette fois-ci plus dans la thématique ameritrash, fut publiée, avec son armada d’innombrables figurines (on est bien dans le trip Axis & Allies) remplaçant les pions confettis multicolores. Cette version et les antérieures de surcroit sont introuvables aujourd’hui ou alors d’occasion et à des prix qui ne valent pas tout l’or du monde. Mais c’est une autre histoire…

En 2009, les frères Kendall remirent le geek et le couvert avec une version plus light et bien plus rapide (bien que toujours dans un type plutôt « gros jeu ») avec le A Brief History of the World où une époque sur sept fut supprimée, avec une carte aux zones fusionnées, avec des règles simplifiées et de bonnes petites choses ajoutées venant de leur experience pour permettre une approche plus rapide et comestible du jeu.

Récemment Z-Man Games et l’éditeur français EDGE pour la VF, décidèrent de rééditer le jeu dans une nouvelle édition plus abordable, plus eurogame et plus jolie. Le jeu s’appelle History of the World mais c’est en fait une version apparemment encore plus light que son prédécesseur. Avec encore une époque en moins mais plus d’empires par époque, cela permettant de grandement dynamiser le jeu et les parties. Le draft (technique à la mode) remplace l’unique carte tirée et aussi l’ordre du tirage se fait en fonction des points de victoire et non plus des points de force et cela est bien, ça change tout !

Qu’est-ce qu’on fait Grand Strateguerre ?

Dans History of the World on va donc jouer un empire chacun par tour. Sa force sera son nombre de pions d’armées permettant de capturer des territoires dans des régions. Il peut y avoir un capitole et chaque empire peut construire un monument si il conquiert deux territoires avec un symbole de ressources pendant son tour. Si un autre empire conquiert le capitole d’un précèdent empire, celle-ci est retournée en une cité qui vaudra 1 PV (2 initialement), et elle sera détruite si elle est conquise à nouveau.

En nouveauté certains empires dit maraudeurs gagnent des PV en réduisant les structures (capitole, cité, monument). Les monuments sont quant à eux détruits s’ils sont conquis. Pas de pitié pour la culture ! La grande subtilité du jeu réside dans le fait qu’on marque ses PV dès la fin de son propre tour et que ses empires antérieurs (qui eux sont inactifs) comptent aussi dans les PV avec les pions armées couchées dit en reddition.

On voit donc la grande astuce qui se dessine dans le fait de jouer un empire tardif à une époque puis un empire précoce dans l’époque suivante pour marquer beaucoup de PV de ses empires avant que ceux-ci ne se fassent à leur tour ravager par de nouvelles puissances adverses et subversives. Tout le sel du jeu est là, savoir jouer correctement ses empires mais surtout savoir choisir ou se mettre en position de choisir un empire permettant de marquer un maximum de points.

Une autre subtilité inhérente au jeu est la connaissance à l’avance des empires pouvant sortir à chaque époque, sachant que certains d’entre eux ne sortiront pas. Cela ne sert pas à grand-chose par exemple d’aller conquérir le plateau perse si la Perse n’est pas encore sortie car bye bye les pions dès qu’elle arrive en jeu. L’objectif de chaque pion est de pouvoir rester en vie le plus longtemps possible en étant actif puis en reddition pour marquer des points et donc traverser les âges.

Les Huns et les autres

Pour les neophytes (ou nés ailleurs aussi) et ceux qui ne connaissent point le jeu, nous allons vous conter un petit peu de quoi il retourne. History of the World est plutôt un « gros » jeu pour trois à six joueurs de durée conséquente, on va dire plutôt entre deux à trois heures de jeu, recréant les conquêtes des empires s’étant succédés sur tous les continents de la plus haute antiquité jusqu’en 1914. (oui le jeu s’arrête au début de la première guerre mondiale, la suite étant trop chaotique et insimulable…).

Le jeu est donc divisé en cinq grandes périodes de l’Histoire avec la Haute antiquité des Sumériens aux Grecs, l’Antiquité classique des Scythes aux Romains, les Dark Ages ou haut Moyen-âge des Perses Sassanides aux Francs, le Moyen-âge et la renaissance des Vikings aux Espagnols et enfin l’époque moderne des Moghols aux Japonais. A chaque période est associée des empires avec differents paramètres : leur force (leur nombre de pions armées) qui permet la conquête et son extension. Leur localisation : un empire va apparaitre à un endroit et ce lieu sera automatiquement conquis et les voisins vont frémir mais aussi leur éventuel pouvoir spécial. Et puis enfin dernier paramètre important : leur ordre de tour. En effet un empire va « sortir » et agir en fonction d’un chiffre indiquant son initiative. D’autres paramètres comme le fait de posséder une capitale ou pas, la faculté de naviguer ou caravaner et dans quelles mers complètent le tableau.

Dans les cartes évènements que l’on va aussi piocher (une par époque) il y a des empires mineurs intéressants à jouer pour se positionner à certains endroits (on pense aux Phéniciens, Mayas et autres Yamataï).

Gengis vite et… pan dans les dents !

On voit donc que des gros empires vont sortir de temps à autre, et que s’il est intéressant de pouvoir les récupérer, il faudra les optimiser pour en tirer le maximum de PV et pouvoir faire le gros dos pour les époques suivantes. Etant donné que son score de PV reste ensuite trop élevé pour être dans les premiers du tirage des futurs empires. Une des incertitudes du jeu, qui le renouvelle et le rend tendu, c’est de ne pas savoir quel empire va sortir ou pas à chaque époque. C’est très intéressant car parfois investir des territoires dans une certaine région va s’avérer rentable sur le plus long terme si un des empires « du secteur » ne va pas apparaître. Encore une fois même si cela semble très aléatoire pour les personnes découvrant le jeu, à force de multiples parties on s’aperçoit que tout est un calcul de probabilités, de risques calculés et d’incertitudes insoutenables qui donne une ambiance unique à ce jeu.

On apprécie aussi grandement le fait que la nouvelle version de History of the World de Z-Man/EDGE propose plus d’empires par époques (vue le nombre plus réduit d’époques) et donc un déroulement du jeu plus surprenant, captivant et tendu.

Mais comment se déroule les combats et la conquête ? Très simplement, dans une zone adjacente où on possède un pion actif de son empire, on placera un nouveau pion actif, si le territoire est vide, il est conquis et capturé immédiatement. Si il y a un pion en reddition à soi d’un empire précédent, on peut le remplacer sans combat par un pion de l’empire actif. Enfin si il y a un pion en reddition d’un adversaire, le combat se déclenche. L’attaquant lance deux dés, le défenseur un seul. La plus forte valeur sur un dé gagne. Et le perdant perd son pion. A égalité, les deux perdent leur pion et la conquête peut continuer. Si il y a un terrain difficile dans le territoire, le défenseur bénéficie d’un +1. Si il y a un fort construit (les forts sont construits pendant le tour des empires actifs moyennant un point d’armée) le défenseur jettera deux dés comme l’attaquant. Si l’attaquant arrive par la mer, le défenseur pourra rejeter un dé. La règle des overruns (présente dans l’ancienne version) a disparu au profit d’une règle de siège dans cette nouvelle version de History of the World.

Avec un joli matériel représentant une catapulte, on va positionner ces pions pour la bataille, chaque pion dépensé après le premier jet de dés donnant +1 au dé à chaque nouveau jet si l’attaquant échoue. Puis +2 et +3 s’il continue à perdre face au défenseur. C’est très bien car cela évite à un attaquant malchanceux de voir ses armées se briser sur des défenses chanceuses et perdre toute la dynamique conquérante d’un nouvel empire. L’attaquant peut toujours perdre le combat, et peut le rompre en battant en retraite et c’est normal, mais plus il insiste et plus ses chances de prendre le territoire visé sont élevées.

Enfin certains empires ont aussi un pouvoir particulier au combat voire des cartes évènements pour le combat ce qui apporte du chrome aux hommes, pardon au jeu. Réussir à utiliser et optimiser ces pouvoirs ou cartes peut permettre d’asseoir un avantage.

L’Histoire, un problème géographique ?

Dans les points admirables du jeu, il y en a un certain nombre qui méritent notre attention ludique. Tout d’abord vient le comptage des PV. Il se fait de manière différentielle et évolutive en fonction de l’époque et de la région (il y a 13 régions en tout). L’importance du monde change et évolue en fonction du temps : Génial ! Il y a donc plein de régions dans le monde comme le Moyen-Orient (qui rapporte beaucoup au début pendant l’antiquité puis ne vaudra presque plus rien à l’époque moderne ou époque V… pas encore de petroleum), l’Europe du nord, du sud, l’Inde, la Chine, l’Asie du sud-est, le Japon, l’Amérique du nord, l’Amérique du sud, l’Afrique, l’Eurasie etc…

Pour pointer les PV il faut aussi savoir quel type d’implantation réalisent les empires sur les régions, il y en a trois types (qui sont des coefficients multiplicatifs), la présence (au moins un pion présent), la domination (au moins deux pions et être le plus nombreux), la suprématie (au moins trois pions et seul dans la région). Tout cela nous rappelle Twilight Struggle et son système génialissime de pointage et bien non, vous n’avez pas rêvé, ce système a bien été inventé dans History of the World. On peut souligner que les jeux de la gamme Smallworld au grand succès ont aussi été inspirés dans leur mécanique par ce jeu.

L’Hindu Kush et c’est pas joli joli

Alors tous les joueurs qui jouent à History of the World vont vous le dire, ce sont des jeux de dés et la chance ou la malchance vont entraîner la victoire ou la défaite de certains empires, et vont grandement influencer voire décider de la victoire finale. Ce ne serait qu’un risque à la sauce historique selon certains et le jeu est vu ainsi. Mais c’est en fait une idée reçue, que l’on se fait si on ne joue qu’une ou deux parties. Car même s’il est vrai que la chance aux dés est importante, elle n’est en fait pas vraiment décisive. D’autres paramètres entrent en jeu pour la victoire, comme des éléments de grande stratégie, de calculs, de prises de risques, de diplomatie et de planification.

History of the World est donc un grand jeu de stratégie caché sous un pseudo Risk Historique, comme une œuvre d’art à plusieurs niveaux de lecture. La guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires, disait Clemenceau et il avait raison ! Ici cette phrase illustre le fait que l’opus n’est pas qu’un jeu de guerre ; c’est beaucoup plus subtil que cela. Car il y a plusieurs degrés d’approche dans ce jeu, notamment de grande stratégie.

Oula il est Chola

Parlons maintenant matériel et graphisme. Un effet 3D a été ajouté à cette nouvelle version ultime, la catapulte montable qui met tout de suite dans l’ambiance guerrière de conquête et de siège, mais aussi les capitoles / cités et les monuments, les forts, les pions colorés etc. Tout cela apporte une touche légèrement Deluxe qui n’est pas pour déplaire, bien au contraire. La carte malgré ses contraintes d’exagération géographique pour le jeu est enfin devenue magnifique, rendant l’envie de jouer encore plus grande. Les cartes Empires et Evenements sont aussi graphiquement très bien réalisées, ergonomiques et agréables au visuel.

La technique du double draft au début en fonction de l’ordre des PV (choix en première des cartes évènements pour le premier puis choix de l’empire actif en dernier) a rendu le jeu beaucoup plus moderne voire légèrement eurogame, ce qui est une qualité. En définitif, tout un tas de règles simples mais ingénieuses, fruit de l’experience sur des décennies, ont rendu History of the World vraiment machiavélique et jouissif à souhait.

Cette version de Z-Man/EDGE s’avère donc être une bien belle édition, magnifiquement réalisée pour ce jeu grandiose, voire culte qui le mérite et qui est toujours vivant depuis 1991.

Amoureux de ses conquêtes

In fine, History of the World est un grand jeu de stratégie, de bluff, de planification mais aussi d’antikingmaking (ou de leader bashing) bien savamment calculé. Tout cela fait appel aux termes un peu complexe de suasion (tenter de diriger les joueurs à attaquer logiquement les zones de moindres résistances), de dissuasion (tenter d’empêcher un joueur de vous attaquer en blindant des zones pour un coût de la conquête prohibitif) et de persuasion (tenter d’influencer le joueur actif pour son intérêt à lui en préservant son intérêt à soi).

Une des clés pour l’emporter consiste aussi à bien faire attention aux points de victoire de façon à pouvoir choisir un empire intéressant. C’est-à-dire bien situé géographiquement et temporellement pour progresser vers la victoire finale. Ce jeu qu’est History of the World est vraiment mythique et permet aussi d’apprendre des connaissances sur les empires qui ont façonné notre histoire. De même qu’il permet de créer une sorte d’histoire alternative possible et très intéressante où certains empires auraient très bien pu conquérir d’autres régions que celle de la trame historique.

Nous vous le conseillons donc sans hésiter pour tous ceux qui ont une âme de grand conquérant.

Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.

La règle du jeu (en anglais)
La fiche du jeu sur Board Game Geek
Le site de l’éditeur Z-Man Games

Rédacteur de l’article : Laurent

VOUS POUVEZ EGALEMENT AIMER

Laisser un commentaire