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Efemeris, un étonnant 4X céleste au parfum de vanille poivrée

par jeudeclick
Publié : Dernière mise à jour le 346 vues 10 minutes de lecture

Ces capitaines français, toujours aussi prévisibles. Ils croient être vifs comme l’anguille… mais regardez ces pauvres alevins se trémousser devant Eratosthenes. Ce bâtard de Mathurin Hubac pense contrôler le Sud de la Voûte céleste avec son galion équipé pour la course. Il se sait hors de portée du HMS Furious, mais les courbettes de son équipage et son égo démesuré l’aveuglent plus encore que le rayonnement de Pytheas devant lequel nous progressons insidieusement. Plus qu’une section de constellation avant que la frégate que j’ai secrètement armée ne les prenne à revers depuis le comptoir où elle feignait de récolter du poivre étoilé. Pauvre intrépide, vous n’oublierez pas de sitôt la canonnière de Nathaniel Lancaster venant fort à propos venger la mort d’Elisabeth Fairborne à bord du HMS Revenge. Cette défaite surprise associée à leur pénurie de vanille céleste devrait les empêcher de mettre à flot un nouveau vaisseau et ainsi nous assurer une victoire rapide avec l’annexion prochaine de notre 5ème planète, Apollas… A moins qu’ils ne débarquent immédiatement une fille de joie pour obtenir l’épice convoitée. Ce serait fâcheux car ils pourraient ainsi bâtir leur nouveau galion à l’Est, sur Posidonius, là où nos possessions sont bien mal défendues. Distrayions les un peu pour qu’une telle idée ne leur vienne pas à l’esprit avant que n’arrive notre tour de jeu…

Puisqu’évidement il s’agit bel et bien d’un jeu. Un jeu bel et bien sorti de l’imagination de Sergio Matsumoto toujours accompagné de Manon Potier et Marine Vinais qui au sein de DTDA Games nous proposent, après Light Hunters, un nouveau jeu à l’univers original. Un univers uchronique portant sur un jeu de conquête pour 2 à 4 capitaines (de 10 ans et plus) qui dirigeront leurs vaisseaux à travers l’immensité de la voûte céleste le temps qu’une petite heure s’écoule.

Comme son grand frère, Efemeris a suivi la voie Kickstarter et vient tout juste d’être livré aux backers. Il est également disponible en pré-commande sur le site de l’éditeur et en boutique dès septembre.

Cinq planètes pour un empire

A l’âge des grandes découvertes, alors que les puissances européennes sillonnaient les océans dans l’espoir de contrôler de nouvelles routes commerciales, une découverte changea la face du monde connu et offrit à tous les capitaines audacieux, une formidable opportunité de rebattre les cartes. Les eaux ne sont plus la seule voie navigable ! Dès à présent, les fiers vaisseaux à voiles peuvent emprunter les vents stellaires et atteindre les continents inexplorés des planètes du firmament, et ainsi, en extraire les précieuses épices que sont le poivre étoilé et la vanille céleste.

Vous incarnez un capitaine français, anglais ou espagnol, et avec 1 galion et 2 frégates à votre disposition, vous devrez, pour asseoir la domination de votre nation dans les cieux, être le premier à conquérir 5 planètes (4 planètes à 3 joueurs) ou à vous emparer de toutes les planètes de vos concurrents. A 4 joueurs, le jeu se joue en équipe avec un matériel dédoublé et des règles proches du mode 1 contre 1.

Quel que soit le nombre d’intrépides autour de la table, chaque tour de jeu est composé de 4 phases. Lors de la phase d’exploration, le joueur actif pioche 2 tuiles hexagonales et les place dans la zone de jeu, participant ainsi à la construction des routes célestes que les bateaux pourront emprunter. C’est lors de la phase suivante que le joueur collectera de l’épice ou des jetons bonus selon que ses vaisseaux seront positionnés sur une case Comptoir ou une case Mouillage. Ces épices engrangées lui permettront, en phase 4, de construire de nouveaux bateaux ou une forteresse, de recruter un membre d’équipage, et surtout, de conquérir une planète. Mais avant la phase 4, il y a la phase 3 ! La phase tactique durant laquelle le joueur actif pourra déplacer ses vaisseaux, utiliser les capacités de ses membres d’équipages et profiter des bénéfices d’un bonus collecté dans un mouillage.

C’est bien dans cette 3ème phase que se concentre le cœur du jeu puisque c’est le (dé)placement de vos bateaux qui définira si vous récolterez les épices nécessaires à la construction/conquête de nouveaux bâtiments/planètes ou si vous ferez route vers des possessions adverses dans un but plus belliqueux. C’est justement lors de cette phase que vous pourrez manœuvrer par surprise et engager le combat en utilisant vos cartes membres d’équipage. Cette gestion de main est primordiale puisque sans les cartes adaptées, les attaques sont impossibles et les mouvements trop prévisibles.

Épuré et nerveux : les batailles célestes s’enchaînent

A l’ouverture de la magnifique boîte sobrement dorée à chaud, rien ne fait défaut. Que se soit pour les tokens en bois, les cartes, les jetons, les plateaux joueurs et les tuiles en carton, l’épaisseur et la qualité font impression dès la prise en main. Le thermoformage offre une place adaptée pour tous les éléments sensibles, notamment pour les 18 figurines de bateaux et les jetons bonus qui bénéficient d’un sac de pioche en toile très pratique.

Comme pour leur précédent opus, l’épure et la poésie sont à l’honneur. Les dessins encrés de Manon Potier collent incroyablement à cet univers uchronique qui nous transporte dans un autre XVIe siècle (XVe à XVIIIe siècles selon les nations pour être précis !). Les capitaines comme les membres d’équipage semblent avoir vraiment existé, comme extraits d’un vieux livre d’histoire. Et quel plaisir de déplacer son fier galion dans cet océan noir au sein duquel les routes sont si élégamment tracées. La direction artistique fait véritablement corps avec l’univers et on se surprend à contempler, en cours de jeu, les constellations changeantes formées par les hexagones juste placés ! Certains regretteront le manque de lisibilité des planètes sur le plateau. Il est vrai qu’il faut parfois se lever de sa chaise pour poser les yeux dessus. C’est ici clairement un choix artistique, que pour notre part, nous acceptons sans sourciller !

Le même soin et la même quantité de travail ont été apportés au livret de règle. 36 pages à la composition somptueuse et généreuse qui laissent peu de doutes sur la marche à suivre, notamment grâce aux textes très détaillés précisant les aptitudes particulières des capitaines et des membres d’équipage.

La mise en place est relativement aisée, mais revêt une importance considérable pour la suite de la partie. Nous vous conseillons donc de ne pas bâcler cette étape et de suivre les conseils du livret de règles. Mais même bien conseillé, vous essuierez inévitablement les plâtres de choix peu opportuns lors de votre première partie. C’est notamment lors de cette phase que chaque joueur choisit sa planète de départ (et l’épice qu’elle produit), ses 2 capitaines (le second remplacera au pied levé le premier en cas de mort au combat) et ses 5 premiers membres d’équipage aux capacités si déterminantes.

Une fois ces choix effectués, la partie démarre très rapidement. Le système de jeu étant aussi épuré que l’univers graphique, on comprend très facilement l’essence du jeu : explorer pour conquérir, conquérir pour collecter, collecter pour construire, construire pour détruire, détruire pour conquérir. Un 4X affublé du minimum d’artifices car tout, dans le matériel de jeu, semble avoir été simplifié au maximum.

Efemeris, c’est donc d’abord une pure mécanique de conquête visant à contrôler les zones productrices et en priver le ou les autres joueurs. En gênant un joueur dans son approvisionnement de l’une des deux épices, on l’empêche de faire certaines constructions, et ainsi de pouvoir se défendre ou de coloniser/conquérir une planète. Sauf aptitude spéciale, seul le galion peut attaquer un autre vaisseau ou une forteresse (structure défensive). Un joueur ne pouvant reconstruire qu’une seule fois son galion, ce bateau est à la fois la flèche de Paris et le talon d’Achille de chaque nation. Ses déplacements sont donc déterminants. C’est également ce vaisseau qui abrite le capitaine et les membres d’équipage (cartes à capacités spécifiques). Et c’est bien cette gestion de main qui apporte tout le sel du jeu et dans laquelle se cache le gros de la courbe d’apprentissage. La main peut être équilibrée ou clairement orientée vers la guerre ou le commerce, mais dans tous les cas, il vous faudra vous adapter à la construction du plateau, aux stratégies et aux mains adverses.

Les mains étant cachées, ces cartes constituent une bonne part de l’incertitude de la guerre. Cette variabilité est renforcée par le fait qu’elles sont en bonne partie différentes d’une nation à l’autre. La rejouabilité d’Efemeris est ainsi particulièrement poussée grâce à la forte asymétrie des puissances européennes et au plateau de jeu toujours différent d’une partie à l’autre. Notez également que les choix de jeu peuvent être encore augmentés avec l’extension Solstice (disponible sur la boutique en ligne de l’éditeur) et ses 3 nouvelles nations : hollandaise, ottomane et portugaise.

Même s’il est possible qu’aucun combat ne soit engagé, le fort intérêt stratégique d’une victoire (parce qu’elle prive de ressources et de possibilités le perdant) amène généralement à des attitudes sinon belliqueuses, très menaçantes, qui obligent constamment à avoir les yeux sur le jeu de l’autre. Cet échange permanent est facilité par les règles simples et offre aux joueurs aguerris une forte interaction.

Une fois le jeu bien en main, les parties n’excèdent pas 40 minutes et elles sont particulièrement tendues et intenses. Chaque stratégie doit en permanence être revue et adaptée aux circonstances de jeu qui peuvent changer très vite (surtout à 3 joueurs). Efemeris est ainsi un jeu purement tactique où des choix très tranchés peuvent aussi bien conduire à une victoire rapide, qu’à une défaite humiliante. Un jeu plus souple, vous permettra de construire plus sereinement votre route vers la victoire et vous autorisera, en outre, à vous relever facilement d’une série de défaites militaires. Un 4X épuré et nerveux, rapide et profond, il n’en fallait pas plus pour nous séduire. Ici, les batailles célestes s’enchaînent… plus notre plus grand plaisir !

Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.

La règle du jeu en français
La fiche d’Efemeris sur Board Game Geek
Le site de l’éditeur DTDA Games

Rédacteur de l’article : Marc

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