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Watergate, scandale ludique au sommet du pouvoir !

par jeudeclick
Publié : Dernière mise à jour le 602 vues 13 minutes de lecture

Juin 1972, cinq hommes sont arrêtés dans le complexe du Watergate de Washington. Ce qui ressemble alors à une tentative de cambriolage de troisième ordre au sein du QG du Comité national démocrate américain suscite la curiosité de Bob Woodward et Carl Bernstein, rédacteurs au Washington Post, qui commencent une enquête qui va durer deux ans. Au terme de celle-ci, ils découvrent que les cinq hommes agissent sur ordre de la Maison-Blanche et sont impliqués dans une vaste opération d’espionnage politique. Ce scandale provoque la chute du président des États-Unis, Richard Nixon, qui démissionne en 1974 pour éviter l’impeachment.

Vous le saviez ! Cela devait bien arriver un jour… Être plongé dans un véritable scandale. Et aujourd’hui, on vous emmène au cœur de celui du Watergate. Une petite boîte de jeu mais qui a fait une sortie remarquée au GenCon 2019 chez les Américains de Capstone Games. Mais ce qui nous intéresse avant tout, c’est que ce titre n’a pas pris long pour être localisé. En effet, l’éditeur Iello l’a très rapidement repéré et voici que « Watergate, le jeu » débarque présentement dans nos vertes contrées, en français !

Watergate a été imaginé par Matthias Cramer. Un auteur qu’on ne présente bientôt plus et qui nous a déjà fait rêver avec des titres tels que Rococo, Glen More, Lancaster, et bien d’autres. Dans ce jeu exclusivement dévolu à deux joueurs, chacun s’affrontera pendant des parties prévues entre trente et soixante minutes, pour une accessibilité du titre à partir de douze ans.

Concrètement, un joueur incarne l’administration du Président Richard Nixon, et l’autre, prend le contrôle du journaliste du New York Times. Et vous l’aurez deviné, si le premier n’aura pour seul objectif d’étouffer l’affaire, la presse cherchera à rassembler les preuves dans le but de faire éclater le scandale. A tour de rôle, chacun jouera des cartes pour épingler ou pour caviarder des preuves et relier (ou non) des « indiques » au Président des Etats-Unis. Un jeu qui fera appel à la stratégie et à l’anticipation puisque les cartes pourront être utilisées de plusieurs façons différentes. Mais au final, un seul des deux l’emportera.

Enfilez votre ciret, attrapez votre machine à écrire et suivez bien les instructions… on vous résume immédiatement les règles du jeu !

La sortie, c’est au fond du couloir Monsieur le Président…

Avant la mise en place, chaque joueur décide s’il incarne le Rédacteur (du New York Times), ou l’Administration Nixon. Les deux joueurs disposent de leur propre deck de cartes; au premier tour, le journaliste en pioche cinq et le Président Nixon en prend quatre. Pour gagner, le Rédacteur doit rassembler des jetons de preuve et relier, de manière ininterrompue, deux informateurs au Président Nixon, représenté au centre du plateau de jeu sur le tableau des preuves. A contrario, l’Administration cherchera à interrompre ces connexions en caviardant les preuves. Mais surtout, à amasser cinq marqueurs d’opinions pour parvenir à la fin de son mandat présidentiel.

A chaque tour, les deux protagonistes jouent leurs cartes en main, à tour de rôle. Ces cartes peuvent être utilisées soit pour déclencher et appliquer immédiatement un effet, soit pour la valeur numérique indiquée sur la carte. Utiliser la valeur numérique de la carte permet de déplacer de son côté du plateau de jeu, soit des jetons de preuve, soit des marqueurs d’opinion ou le marqueur d’initiative (le jeton du premier joueur). Ces éléments sont alors déplacés sur la piste d’enquête, soit du côté du Rédacteur, soit du côté de l’Administration. A l’image d’un tire à la corde. Quand les neuf cartes du tour sont jouées, les marqueurs d’initiative, d’opinions et les jetons de preuves sont attribués. Les jetons de preuves doivent alors être placés sur le tableau des preuves. Du côté visible si c’est le journaliste qui les place afin d’établir les connexions, et du côté caviardé si c’est Nixon qui les place afin de couper les connexions.

Notons encore que pour établir les connexions, les informateurs doivent être recrutés via les événements des cartes. Et lorsque chaque joueur utilise une carte pour son événement, la carte est alors définitivement retirée de la partie.

Une fois les étapes décrites ci-dessus achevées, un nouveau tour de jeu peut alors commencer. La partie prend fin lorsqu’une des conditions de victoire est atteinte. En revanche, si le Rédacteur ne parvient pas à établir ses deux connexions et que tous les marqueurs d’opinion ont été utilisés ou défaussés, Nixon l’emporte.

Le New York Times titrera-t’il votre victoire ?

Avouez qu’une petite part de vous, même inconsciente, doit sans doute caresser l’espoir d’incarner un jour, le Président des États-Unis… En tous cas, nous on a voulu tenter l’expérience. Et même si pour cela on a dû effectuer un retour dans les années 70 et nous plonger au cœur du scandale du Watergate ! A l’ouverture de la boîte éponyme, on retrouve un petit plateau de jeu, un série de pions en bois, différents tokens en carton, un sac en tissu et 44 cartes toilées. Sans oublier le livret des règles. Honnêtement, le matériel de jeu se veut plutôt minimaliste mais il y a là, tous les composants pour un vrai duel stratégique au sommet du pouvoir. Surtout que les composants nous plaisent beaucoup. Le plateau de jeu a été dimensionné à taille humaine (ce qui nous change de ces jeux actuels dans lesquels il faut bientôt posséder une table de deux mètres sur deux !) et son format offre une aire de jeu plaisante. Par ailleurs, tous les jetons des informateurs et toutes les cartes, qui sont d’un grand format, sont illustrés avec des photos d’époque. Une production vraiment réussie, soignée et très thématisée !

Et le thème justement, parlons-en. A première vue, on pourrait se dire qu’il n’est destiné qu’à des passionnés d’histoire politique ou à des férus de polars poussiéreux. Même si on doit bien reconnaître que la thématique du Watergate peut de prime abord ne pas « passionner les foules », l’opus n’est aucunement un jeu historique. Bien au contraire ! Le livret des règles introduit le contexte en quatre phrases seulement pour une accessibilité optimale. Puis, vous pouvez aborder le jeu comme n’importe quel autre titre destiné à deux joueurs, en vous concentrant sur le gameplay. Comme vous pourriez le faire avec un Bunny Kingdom par exemple. Pour y jouer, vous n’avez pas besoin d’être éleveur de lapins ? Et bien pour Watergate, c’est pareil. En revanche, les passionnés trouveront aussi leur compte avec douze pages spécifiques du livret des règles, qui apportent des notes et des références historiques. Sans oublier tous les événements et les personnages utilisés dans le jeu, qui sont bien réels.

Ainsi, c’est une prise en main très accessible qui donne au jeu une première approche particulièrement agréable. Tant le livret des règles que les premiers tours de jeu, s’appréhendent facilement. Un élément qui nous a assurément surpris en bien ! Sans compter que pour lancer une partie de Watergate, la mise en place ne vous prendra qu’une petite minute, chronomètre en main !

Lorsqu’on débarque dans les coulisses du pouvoir et en l’occurrence dans une partie de Watergate, on ne peut que se laisser happer par la fluidité du système de jeu. Je joue une carte, mon adversaire en joue une autre… et la partie se poursuit ainsi de suite, entre pose stratégique des composants du jeu et déclenchements d’actions. Le tout dans une fluidité plutôt impressionnante, il faut bien l’avouer.

Au niveau du gameplay, Watergate est assurément un jeu de cartes ! Ou en tous les cas, un jeu reposant sur une mécanique de cartes. Et donc, tout naturellement, on retrouve de la gestion de main de cartes comme élément central au cœur de ce système de jeu totalement asymétrique. Et ces cartes proposeront – comme pour un Twilight Struggle – le choix d’utiliser des points d’actions ou de déclencher des événements. Cependant, on s’arrête là avec les points communs entre Watergate et Twilight Struggle. Il ne serait pas du tout correct de chercher à comparer ces deux jeux car ils n’ont rien de plus en commun. Mais revenons aux mécanismes du titre qui nous occupe. Chacun des deux joueurs aura encore à se battre contre le temps qui passe et un aspect « course » rythmera la partie de bout en bout. Pour le Président Nixon, cela se traduit par le fait de passer rapidement au travers des cinq années de son mandat présidentiel. Et pour le journaliste, d’établir le plus vite possible les deux connexions avec ses informateurs, dans le but de faire éclater la vérité ! L’anticipation sera donc la clé de la victoire. Le gameplay insistera encore sur les éléments du plateau principal avec des mécanismes de placements. Ces derniers sont essentiels et permettront soit de bloquer soit d’établir les relations existantes entre le Président des États-Unis et les fameux informateurs. Mentionnons encore une très légère part de hasard avec la pioche des cartes et les jetons de preuve qui sont tirés aléatoirement. Sinon, aucune place pour la chance; tout devra être maîtrisé et optimisé !

Plus les parties vont s’enchaîner et plus vous connaîtrez votre deck de cartes. Vous pourrez ainsi établir une puissante stratégie et anticiper les prochaines cartes à jouer. Ce qui nous amène à nous poser deux questions. Qu’en est-il de la rejouabilité ? Et que se passe-t’il si un joueur averti affronte un novice ? Concernant le renouvellement des parties, c’est évident qu’avec le peu de cartes qui composent les deux decks des joueurs, cela peut créer un sentiment de déjà vu. Mais tout l’intérêt de la rejouabilité se situe sur le plateau central. C’est bien là que les parties ne se ressembleront pas. Pour le surplus, bien sûr que cela se répète mais tout l’intérêt réside dans le fait de chercher constamment à optimiser son jeu et donc à le renouveler. Concernant le fait de voir s’affronter un connaisseur face à un débutant, il faudra assurément être conscient que des décalages existeront. On ne saurait trop vous suggérer de mettre en confrontation deux joueurs ayant des connaissances similaires du jeu. Face à un joueur chevronné, le jeu journaliste ou le nouveau Président risquerait de n’être qu’un spectateur. Et ce serait bien dommage.

Côté interaction, tout se passe au centre de la table. Chaque action – ou presque – va immédiatement impacter le jeu de l’adversaire et déclencher une réaction. Action, réaction ! Surtout que chacun joue à tour de rôle et manière répétée pendant le tour. En revanche ne comptez pas trop sur un jeu communicatif. Certes les deux protagonistes auront à cœur de commenter certaines actions mais nous ne sommes absolument dans un jeu d’apéro. L’interaction reste donc principalement au niveau du gameplay.

En définitif, nous avons véritablement était bluffés par Watergate ! D’abord surpris puis conquis. Sous son thème un peu austère, limite élitiste au premier abord, se cache un jeu minimaliste mais vraiment bien pensé. Une prise en main aisée et un thème qui se laisse appréhender aussi bien par les passionnés que par les joueurs lambda. Incarner le Président ou le journaliste procure des sensations différentes grâce à une asymétrie du jeu assumée et revendiquée. Et ce n’est pas si simple de parvenir à ses fins car il faut, tant bien que mal, gérer ses paramètres tout en freinant au maximum l’avancée de son adversaire. Mais les sensations sont très intéressantes; du « tir à la corde », du placement et des blocages, sans oublier la connaissance et la maîtrise de son deck de cartes qui pourra faire toute la différence. Et durant toute la partie, les actions restent fluides et les tours de jeu ne s’éternisent pas. Avec seulement cinq et quatre cartes à jouer (selon l’initiative du joueur qu’on incarne) les tours sont vifs; on ne s’endort pas ! Et pour peu que vous ayez un minimum d’esprit compétitif, vous aurez envie d’enchaîner une deuxième partie aussitôt la première terminée. Parce que oui, Watergate est un jeu addictif. Vite joué, vite rejoué !

Watergate restera définitivement l’une des meilleures sorties ludiques de ce premier semestre 2020. Et pour les joueurs passionnés qui apprécient les jeux de cartes à utilisations multiples, on ne les voit pas trop se séparer de cette bien jolie petite boîte de jeu. Un incontournable ? Oui, assurément !

Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.

La règle du jeu en français
Watergate sur le site Board Game Geek
Le site de l’éditeur Iello

Rédacteur de l’article : Léo

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