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Agra, saurez-vous contenter Akbar le Grand ?

par jeudeclick
Publié : Dernière mise à jour le 408 vues 15 minutes de lecture

Allons Krishanu, hâtons-nous ! Nous devons transformer notre récolte de curcuma en belle teinture. J’ai appris qu’un notable arrivé pour l’anniversaire de notre seigneur Abdul-Fath Jalal-ud-din Muhammad recherchait ce produit ainsi que du coton, c’est l’occasion parfaite de s’enrichir ! Cet homme s’est posté sur la rivière Yamuna. Il n’y a pas de temps à perdre !

La boîte du jeu

Agra est un jeu de Michael Keller (La Granja) illustré par Michael Menzel (Catane, Dominion, Andor…) et édité par l’éditeur hollandais Quined Games. C’est un jeu de gestion de ressources et pose d’ouvriers sorti en novembre 2017. Un titre pour 2 à 4 joueurs pour des parties d’environ 30 minutes par personne.

Nous vous en avions déjà donné l’eau à la bouche, dans cette actualité. Et dans Agra nous nous plongeons dans l’Inde du XVIè siècle où le 30ième anniversaire du grand empereur Mongol Akbar le Grand fait venir nombre de notables et d’émissaire dans la ville d’Agra (आगरा en indou). Chaque joueur se voit à la tête d’un lopin de terre qu’il cultive et dont il devra transformer les produits afin de les livrer à Akbar en personne, à des notables ou des guildes dans le but de devenir le plus riche possible.

Sans plus attendre, on vous détaille la règle du jeu.

On dirait bien qu’un des joueurs « roupie » !

But du jeu et fin de partie

Le but du jeu est à la fin de la partie d’avoir le maximum de roupies considérées comme points de victoire. Une majorité de la fortune est gagnée durant la partie, une petite partie se récupère en fin de jeu. Le plus riche au décompte final gagne.

La fin de jeu peut être déclenchée par trois évènements différents :

  • un notable de niveau IV est livré OU
  • un marqueur d’influence d’un joueur à atteint le sommet d’une piste d’influence OU
  • une colonne de commande de Guilde est remplie avec 6 marqueurs joueurs.

Une fois la fin du jeu déclenché, les joueurs finissent la manche en cours puis rejouent chacun un dernier tour avant le décompte de la fortune de chacun.

Mise en place

Au démarrage du jeu une mise en place est à faire pour chacun des types de plateau de jeu :

  • Plateau central : On place les jetons Prix, les tuiles Constructions et les tuiles Chantier à leur emplacement prédéfini. Le marchand et le bâtisseur sont placés aléatoirement (lancé de dé) respectivement sur les productions et sur les chantiers. Les notables sont placés sur leurs emplacements respectifs aux abords de la rivière en fonction du nombre de joueurs. Le bateau est placé en haut de la rivière Yamuna.
  • Plateau individuel : Chaque joueur prend les éléments liés à sa couleur, place les jetons cache sur leurs emplacements, le marqueur méditation sur l’emplacement I de la piste de méditation, place les fermiers sur les emplacements centraux de la ferme puis prend deux roupies qui seront placées dans leurs sacs.
  • Plateau Empire : Les joueurs placent leur marqueur influence en bas de chaque piste d’influence. Un dé est lancé pour déterminer sur les colonnes de commande de guilde les demandes initiales. Selon le nombre de joueurs, des commandes seront rendues indisponibles de façon aléatoire.

Le contenu de la boîte

Tour de jeu

Dans Agra, les joueurs jouent chacun leur tour. Un premier joueur est désigné de façon aléatoire puis chacun, à son tour aura trois phases à jouer : une phase médiation, une phase action et une phase commande. En plus de ces phases, des actions secondaires sont possibles lors du tour du joueur en consommant une ressource : les faveurs.

La phase de médiation

Cette première phase est une phase facultative et met en avant une mécanique originale du jeu, à savoir que chaque joueur a accès à un nombre de points de médiation (visibles sur le plateau individuel). Pour les obtenir, il faudra alors coucher un ouvrier de sa couleur présent sur le plateau central de façon à récupérer 1 à 3 points de médiation selon le niveau indiqué sur le plateau individuel.
Ces points générés permettent durant cette phase de faire des actions spécifiques en payant leurs coups : échanger des marchandises ayant le même prix, livrer des marchandises à un seul notable, transformer des marchandises, enlever une tuile cache permettant de produire plus de marchandises d’un type ou déplacer un fermier changeant le niveau de production de marchandises.
Une de ces actions (hors déplacement du fermier) est inaccessible (bloqué par un jeton), une fois la médiation terminée, le joueur actif bloquera sa dernière action (hors déplacement du fermier) en déplaçant le jeton sur celle-ci.

La phase action

Cette phase est la phase principale du jeu, le joueur actif aura deux actions à jouer soit en plaçant un ouvrier sur un des personnages principaux (situé en haut du plateau principal) soit en plaçant un ouvrier sur un bâtiment construit sur le plateau.

Au niveau de la pose, plusieurs choses et choix stratégiques apparaissent :

  • Si l’emplacement est libre, alors le joueur effectue l’action.
  • Si l’emplacement est occupé par un ouvrier d’un autre joueur, alors on renvoie l’ouvrier présent à son propriétaire. Puis si cet ouvrier est couché on effectue seulement l’action mais s’il n’est pas couché son propriétaire récupère un point de faveur puis on fait l’action. Si l’ouvrier occupant l’emplacement est le sien alors on effectue une action de « péonage » c’est-à-dire qu’on paye deux roupies pour réutiliser cette même action.
  • Si l’emplacement est occupé par le marchand, on effectue l’action, on récupère deux faveurs puis on lance le dé qui permet de déplacer le marchand d’autant de cases de bâtiments construits en laissant derrière lui un roupie.
  • Si l’emplacement est occupé par le bâtisseur, on construit le bâtiment, sans utiliser de matériaux de construction puis on effectue une transformation de marchandises. Une fois ces actions effectuées on lance le dé et on déplace le bâtisseur sur les chantiers (bâtiments non construits).

Résolution des actions

En suivant de la pose de l’ouvrier on effectue l’action.

Il y a quatre personnages de disponibles pour actions :

  • L’architecte : il permet soit de monter d’un niveau un marqueur influence, soit de construire un bâtiment au choix en payant le nombre de ressources demandé par le bâtiment (si on paye avec deux type de ressources différentes alors on obtient un bonus de plus un). Puis on récupère une tuile de bonus de construction correspondant au niveau du bâtiment construit et enfin, on place un ouvrier sur ce dernier permettant de faire l’action de transformation liée.
  • Le marin : Il permet d’honorer une commande (demandé sur le plateau empire) et ou de livrer des marchandises à un notable situé en amont du bateau sur la rivière Yamuna. Un particularité pour les livraisons est qu’on va devoir payer une marchandise au marin qui donnera le droit d’effectuer un nombre de livraison (un marchandise par livraison) équivalent au coût de la marchandise donné au marin plus un. Lorsqu’un notable se voit livrer entièrement, le joueur qui a livré le plus de marchandises à celui-ci récupère le notable et se voit privilégier des bonus de ce dernier.
  • Le négociant : Il permet d’échanger jusqu’à trois marchandises pour en obtenir d’autres pour une valeur totale de ce qu’on échange moins un. Avant ou après l’échange il est possible de modifier le prix d’une marchandise de plus ou moins un par rapport à son prix initial.
  • La botaniste : Elle permet d’effectuer deux actions parmi les suivantes : augmenter son niveau de médiation en payant le coût, retirer une tuile cache sur le plateau individuel ainsi que déplacer des fermiers pour un total de deux cases.

Il y a deux types de bâtiments :

  • Bâtiments de production : lors de la pose d’un ouvrier sur un bâtiment de production permettent de produire un nombre de marchandise d’un type en fonction de la configuration des fermiers. Lorsqu’on produit, on regarde sur le plateau individuel, pour la marchandise choisie le nombre d’emplacements entre la marchandise et les fermiers entourant celle-ci.
  • Bâtiments de transformation : lors de la pose d’un ouvrier sur un de ces bâtiments, une transformation est possible. Pour cela le joueur actif va pouvoir transformer jusqu’à trois marchandises d’un niveau inférieur en la marchandise actuelle. Il faut savoir que pour chaque marchandise de base on peut la transformer en deux marchandises différentes ainsi qu’une de ces marchandises transformées peut être transformée en marchandise de luxe. Un élément très important de la transformation est que dès qu’une action de transformation est effectuée, les autres joueurs ont la possibilité de faire également cette transformation pour une seule marchandise en apportant une faveur au joueur effectuant l’action de transformation.

La phase de commande

Cette dernière phase est facultative et permet de soit livrer une marchandise à l’empereur Akbar qui n’a pas déjà été livrée soit d’honorer entièrement une commande d’une guilde (comme avec le marin). Lorsqu’on honore une commande de guilde, on gagne un nombre de roupies indiquées en rapport au niveau d’influence dans cette guilde.
Les actions secondaires

Des mécanismes à exploiter…

A tout moment durant son tour, un joueur peut, en utilisant de l’huile ou du curry pour relever des ouvriers et/ou en dépensant des marqueurs faveur obtenus, effectuer un certain nombre d’actions. Au début du jeu les actions activables par la dépense de faveurs sont les suivantes :

  • Payer deux faveurs pour obtenir une marchandise de base,
  • Payer trois faveurs pour transformer une marchandise,
  • Posséder quatre faveurs et en payer trois pour monter d’un niveau sur une piste d’influence.

Au fur et à mesure de la partie, d’autres actions peuvent être obtenues permettant de diversifier les possibilités.

  • Lorsqu’on a des marchandises de luxe, le joueur peut choisir d’en dépenser une afin de faire l’action liée :
  • Statue : effectuer une nouvelle action principale
  • Tableau : monter deux marqueurs d’influence d’un niveau
  • Livre : relever trois ouvriers couchés et gagner une faveur
  • Vêtement : recevoir autant de roupies que la valeur marchande des vêtements.

Un voyage au coeur de l’Inde

Lorsqu’on prend la boîte de jeu dans les mains, on remarque deux choses : la première est la qualité de l’illustration où un noble passe une porte d’un style du Moyen Orient sur le dos d’un éléphant au milieu du peuple avec un palais dans le fond ainsi la police d’écriture qui nous plongent dans l’Inde des contes des Mille et une nuits ! La seconde chose remarquable est le poids de la boîte qui nous promet pléthore de matériel. D’ailleurs à l’ouverture de celle-ci personne ne se retrouve déçu :

  • Un immense plateau de jeu central représentant la ville d’Agra
  • Un plateau empire qui se monte afin d’avoir une légère pente (dans le but que tous à la table de jeu puisse le voir)
  • Des plateaux individuels permettant de gérer les productions de chaque joueur
  • Un certain nombre de tuiles (chantier, construction, faveur)
  • Des jetons, marqueurs
  • Des cartes « notables » de niveau I à IV.
  • Des meeples marchand, bateau et bâtisseur
  • Des meeples « joueurs » (ouvrier, fermier, marqueurs) aux couleurs des quatre joueurs
  • Ainsi qu’un sac en tissu par joueur à ses couleurs pour masquer la fortune de ces derniers.

Le matériel est de qualité, le choix des couleurs de joueurs est étonnant car non conventionnel mais remarquable (cyan, magenta, jaune-vert et orange). La lisibilité du plateau central n’est pas forcément la meilleure mais le parti pris a été d’avoir un plateau magnifique quitte à perdre un peu en lisibilité. De plus, sur le plateau empire légèrement de biais, attention à bien positionner les marqueurs joueurs ou d’influence faute de perdre encore en lisibilité. Et surtout si un malencontreux coup dans la table devait décharger ces marqueurs, qui sont néanmoins biseautés de façon a bien s’intégrer dans le plateau.
Ces petites précautions n’enlèveront pas le fait que le rendu est somptueux et laisse rêver quant au thème.

Le livret de règles nous fait comprendre que nous n’avons pas à faire à un jeu familial avec ses 27 pages ! Cependant, il est aéré et contient beaucoup d’illustrations. En fin de règles se trouvent également un listing et une description de toutes les cartes nobles ainsi que des différentes tuiles de jeu ce qui ramène les règles à 21 pages. Ce qui n’est quand même pas rien ! Mise à part les erreurs dans la traduction (on se devait de vous le préciser), ces règles sont faciles à prendre en main pour des joueurs confirmés. Le but étant de les comprendre une première fois avant de les expliquer à d’autres joueurs moins habitués à un jeu, un poil « velu ».

Le jeu est riche mais ne s’adresse clairement pas à tout type de joueurs. C’est un jeu long, même si la durée se réduit au nombre de parties. On est clairement là sur un jeu de gestion de ressources et pose d’ouvriers, ce qui va pouvoir faire venir un sentiment de redondances des actions. Le fait que chaque joueur joue toutes ses phases avant que ce soit le tour d’un autre joueur pourra emmener de la lassitude lié à l’attente (à l’instar d’un Civilization, Fortune de Mer,…). Cependant, une fois la complexité initiale des règles passées, le jeu est fluide. Même si le cœur de jeu est de produire des ressources, les transformer pour enfin les livrer, les possibilités autour de ces actions sont assez variées. Il faut noter qu’il y a de l’interaction entre les joueurs que ce soit au niveau de la course aux livraisons, au niveau de l’opportunisme lié à la transformation, aux dons de faveurs et même du blocage des actions réfléchies de médiation. C’est assez rare qu’on retrouve ce niveau d’interaction et de tension dans un jeu de pure gestion.

Le thème est également bien présent dans le jeu, les actions, les possibilités, le fonctionnement… Tout nous fait entrer dans la peau d’un propriétaire d’un petit lopin de terre cherchant à prospérer dans l’Inde du XVIe siècle.

Les mécaniques de jeu sont originales, que ce soit au niveau de la transformation des ressources ou des actions liées à la médiation et la faveur.

De très jolies illustrations pour se plonger dans l’ambiance

Agra contentera donc des joueurs aguerris, n’hésitant pas à jouer des parties de trois à quatre heures, aimant chercher à optimiser leurs choix malgré les opportunités possibles. Si vous correspondez à ces critères alors il ne faut pas hésiter à essayer ce jeu qui, après la première partie, vous donnera envie d’en refaire une afin de tester d’autres stratégies. De plus, le visuel du jeu s’il est chargé est également magnifique. Le rendu sur la table de jeu, qui doit être relativement grande, est sublime (bien sûr cela reste selon les goûts) !

Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.

La règle du jeu en français
Le fiche du jeu sur Board Games Geek
Le site de l’éditeur Quined Games

Rédacteur de l’article : Sylvain

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